Parce qu’ils offrent un cadre de cinéma idéal, un espace confiné terrain de jeu favori des cinéastes virtuose où la (moindre scène)mise en place de chaque scène relève du défi/gageure technique « les films de cuisine » connaissent depuis quelques années une relative popularité, s’érigeant en marquer des relations professionnelles donc humaines exacerbées, notamment à l’occasion des fameux coups de feu ou chacun, cuisiniers et serveurs se confrontent au nécessités de satisfaction du client et à la collaboration nécessaire entre les individus.
Dès les premiers plans, ébauchant très rapidement un New-York des « arrière-cours » en noir et blanc à la manière de Jarmush, et surtout dès les premiers mouvements de caméra à l’intérieur des couloirs du restaurant, il est manifeste qu’ Alonso Ruizpalacios, cinéaste mexicain, méconnu en dehors de son pays d’origine, s ’inscrit dans une volonté de saisir l’opportunité de monter son talent et de produire un objet stylisé. Epousant le point de vue et cheminant dans les pas de d’Etel, jeune cuisinière mexicaine sans papier venue tenter sa chance dans le restaurant ou travaille (son cousin ?) Pédro, la caméra, mobile, s’immisce dans les coulisses de l’établissement, dévoilant quelques figures qui accompagneront la jeune femme dans sa première journée de travail, en même temps qu’il’ lève le voile sur le McGuffin (la disparition de 800 dollars d’une caisse) qui sous-tendra une partie de l’intrigue en arrière-plan du métrage.
Les premières séquences habiles, définition topologique des lieux et présentation des protagonistes, préfigurent une belle réflexion sociale et culturelle au sein d’une micro société hétéroclite dans la diversité des origines : mexicains, afro-américains, nicaraguayen, anglo-américains (ne) et même une franco-marocaine cultivent avec fierté leur image identitaire jusqu’à la caricature parfois, chacun affirmant sa personnalité, et marquant son territoire en cuisine, le verbe haut.
C’est pourtant l’arrivée, en princesse, d’une belle et blonde serveuse au sein du vestiaire des femmes, au cœur d’une scène de voyeurisme d’abord par (épousant la vision extérieure d’un employé coquin qui observe la scène par une lucarne), qui va affadir le propos, le comprimant peu à peu à une histoire d’amour (Pedro poursuit le balle de ses faveurs) et d’avortement envisagé.
Certes, la trame s’ébauche en arrière-plan, le coup de feu du service du midi viendra rapidement donner un coup de fouet à l’indolence sympathique du début, mais elle dilue quelque peu la frénésie qui s’empare des employés au début du service, qui aurait pu (du ?) constituer l’essentiel du récit tant les enjeux et la tension soudaine deviennent électrisants au premier coup de sonnette.
La Cocina sombre alors dans une certaine caricature, où les apparats de chacun se circonscrivent à l’image de leurs origines, l’américain blanc hautain et con, le mexicain, fier mais modeste lié par un inéluctable déterminisme de l’échec, la marocaine hâbleuse (probablement le personnage le plus attachant), l’Afro cool et détaché et la nicaraguayenne agressive (allez savoir pourquoi) .
Mais loin d’approfondir ses personnages ou les enjeux liés à la clandestinité à l’émigration, le métrage se complait dans la facilité d’une intrigue amoureuse et dans une stylisation séduisante puis envahissante, et se révèle bien vite incapable de mener à bien tous ses arcs narratifs, laissant petit à petit ses personnages au bord du chemin, Etel disparait complétement, le patron apparait de temps à autre faisant quasi office de figurant, et le potentiel incommensurable (au moins) d’actrice de Laura Gómez (la nicaraguayenne) trop peu exploité.
Bref, The grill déçoit frustre beaucoup même si Alonso Ruizpalacios est probablement un homme de talent…