Quatre ans après l’important succès de Frankenstein, Whale et son équipe rempilent sous la houlette d’Universal pour prolonger les aventures d’une créature qu’on commence déjà à mal nommer en l’associant à son inventeur. Le prologue, particulièrement factice, mobilise Mary Shelley, expliquant à son mari et Byron le message humaniste de son œuvre et la suite qu’on ignorait. Une fois encore, le récit aura peu d’importance, vague prétexte (qui obligea d’ailleurs Whale à retourner la fin du premier volet pour permettre à Frankenstein de survivre à sa chute…) à des retrouvailles avec le même univers et les mêmes personnages. Quelques éléments semblent néanmoins un peu plus creusés, comme la satire et une certaine forme d’humour (la fatuité du bourgmestre, la perfidie de la médisante), et surtout, l’humanisation de la créature, déjà en germe dans le premier volet, mais ici développée dans son apprentissage du langage et son amitié avec un aveugle qui, clairvoyant messager des valeurs morales, ne s’arrête pas à son apparence repoussante.
L’arrivée du Dr Pretorius annonce clairement les idées mercantiles du studio, trinquant de concert avec lui lorsqu’il lève son verre « To a new world of gods and monsters » et présentant ses inventions particulièrement perchées et improbables, à savoir des versions réduites de créations humaines sous cloche. Ses motivations et les différents retournements, saturés d’ellipses assez inefficientes pour tenir dans la durée visiblement fixée par Universal (1h15, valable aussi chez le Dracula de Browning), ne retiendront pas vraiment l’attention. C’est, comme pour le précédent volet, mais avec une ambition démultipliée, sur l’image que vont se concentrer les efforts. La photo duveteuse et le travail sur la lumière va permettre un contraste saisissant entre les séquences initiatiques de la créatures (le sauvetage de la bergère, par exemple, qui répare en un sens sa faute originelle avec l’enfant noyée dans le premier opus) dans une nature ensoleillée et les lieux où va évoluer son antagoniste, dont une superbe crypte aux obscurités tranchantes.
La reprise de l’expérience permettant de donner la vie à une nouvelle créature, ici, donc, sa version féminine occupe tout le final et sera davantage mise en valeur, convoquant la majorité de la syntaxe expressionniste, pour un résultat superbe de bout en bout : plans inclinés, visages en contre plongée où la violence de la lumière creuse les orbites et jusqu’aux rides animées par la folie, profondeur de champ jouant sur la verticalité vers le ciel, le tout accompagné par une machinerie grandiose qui culminera dans une destruction explosive. Un final qui assume parfaitement la recette déjà en vigueur dans le film initial, et prouve qu’en mobilisant des artisans de talent (ici, un réalisateur ambitieux et un chef-opérateur de génie), on peut occasionner de savoureuses retrouvailles.