Il y a des critiques qui donnent vraiment envie d'acheter le produit dont il est question tant elles sont réussies. Ce fut le cas pour « Un enlèvement » de Bégaudeau. On est à Royan dans un luxueux appartement loué par la famille Legendre. On suit leurs vacances et tout ce qu'il va avec, car comme dit la quatrième de couverture, « Une famille n'est jamais autant une famille qu'en vacances ». Au départ j'étais circonspect. Les trente premières pages m'ont parues presque illisibles tant c'est confus. Cette écriture franchement poussive, truffée de mots techniques est terriblement agaçante au point que de recommander ce livre me parut comme une mauvaise blague des chroniqueurs de Inter au « Masque et la plume » . Mais plus on avance dans le récit, plus on comprend la mécanique utilisée par l'auteur. Cette écriture est à l'image des personnages que nous suivons : Inable au possible. On suit donc le narrateur, le père de la famille Legendre. Des non-dit, des secrets, des trahisons voire des craintes vont faire surfaces. Mais cela dans un calme le plus total. Si l'écriture, finalement brillante, peut agacer parfois, rappelant un certain Houellebecq dans ses descriptions inutiles ( à un moment du livre il y a la moitié d'une page sur une montre connectée et sur des bermudas « Decathlon », franchement on s'en serait bien é), « Un enlèvement » se lit avec beaucoup d'envie, car on sait qu'un jour ou l'autre, quelque chose va exploser dans ce cadre familial. Tout est inattendu, jusqu'à cette fin extraordinaire, brillante au possible. La force du livre est de ne pas tomber dans quelque chose de grossier, en effet, le style reste fidèle à lui-même. Bégaudeau livre alors un récit très cynique, dénonciateur d'une société qui déraille et renouvelle une critique acerbe de notre société actuelle. Cette technologie dangereuse
(sur le fait de vouloir surveiller les enfants avec une application, les sextos infidèles sur lesquels les enfants peuvent tomber)
, cette éducation chaotique des enfants
(l'atelier soleil pour Louis, qu'on découvrira inutile au possible vers la fin du livre)
, cette surconsommation de la bien-pensance qui finalement cache quelque chose de monstrueux (
le age où Brune disparaît montre qu'un côté raciste du narrateur ressort malgré son apparence pourtant anti-raciste
). Bégaudeau croque avec intelligence dans tout ce qui ne va pas dans notre société sans marteler une opinion politique quelconque. Et cela sans être non plus réactionnaire non plus.
Un espoir aux futures générations qui pourraient se rebeller face à cette société (qui franchement, est d'un réalisme effrayant) apparaît à la fin
. Sur un ton humoristique omniprésent, le livre dans son dénouement, fascine par son renversement d'émotions.
Brillant.