Un enlèvement
6.8
Un enlèvement

livre de François Bégaudeau (2020)

"Une famille n'est jamais autant une famille qu'en vacances"

Il y a des critiques qui donnent vraiment envie d'acheter le produit dont il est question tant elles sont réussies. Ce fut le cas pour « Un enlèvement » de Bégaudeau. On est à Royan dans un luxueux appartement loué par la famille Legendre. On suit leurs vacances et tout ce qu'il va avec, car comme dit la quatrième de couverture, « Une famille n'est jamais autant une famille qu'en vacances ». Au départ j'étais circonspect. Les trente premières pages m'ont parues presque illisibles tant c'est confus. Cette écriture franchement poussive, truffée de mots techniques est terriblement agaçante au point que de recommander ce livre me parut comme une mauvaise blague des chroniqueurs de Inter au « Masque et la plume » . Mais plus on avance dans le récit, plus on comprend la mécanique utilisée par l'auteur. Cette écriture est à l'image des personnages que nous suivons : Inable au possible. On suit donc le narrateur, le père de la famille Legendre. Des non-dit, des secrets, des trahisons voire des craintes vont faire surfaces. Mais cela dans un calme le plus total. Si l'écriture, finalement brillante, peut agacer parfois, rappelant un certain Houellebecq dans ses descriptions inutiles ( à un moment du livre il y a la moitié d'une page sur une montre connectée et sur des bermudas « Decathlon », franchement on s'en serait bien é), « Un enlèvement » se lit avec beaucoup d'envie, car on sait qu'un jour ou l'autre, quelque chose va exploser dans ce cadre familial. Tout est inattendu, jusqu'à cette fin extraordinaire, brillante au possible. La force du livre est de ne pas tomber dans quelque chose de grossier, en effet, le style reste fidèle à lui-même. Bégaudeau livre alors un récit très cynique, dénonciateur d'une société qui déraille et renouvelle une critique acerbe de notre société actuelle. Cette technologie dangereuse


(sur le fait de vouloir surveiller les enfants avec une application, les sextos infidèles sur lesquels les enfants peuvent tomber)


, cette éducation chaotique des enfants


(l'atelier soleil pour Louis, qu'on découvrira inutile au possible vers la fin du livre)


, cette surconsommation de la bien-pensance qui finalement cache quelque chose de monstrueux (


le age où Brune disparaît montre qu'un côté raciste du narrateur ressort malgré son apparence pourtant anti-raciste


). Bégaudeau croque avec intelligence dans tout ce qui ne va pas dans notre société sans marteler une opinion politique quelconque. Et cela sans être non plus réactionnaire non plus.


Un espoir aux futures générations qui pourraient se rebeller face à cette société (qui franchement, est d'un réalisme effrayant) apparaît à la fin


. Sur un ton humoristique omniprésent, le livre dans son dénouement, fascine par son renversement d'émotions.
Brillant.

8
Écrit par

Créée

le 16 nov. 2020

Critique lue 203 fois

1 j'aime

EtienneRc

Écrit par

Critique lue 203 fois

1

D'autres avis sur Un enlèvement

Un enlévement !

J’aime François Bégaudeau. De roman en roman, son style, ces petites phrases, me font autant sourire qu’elles peuvent me toucher. Alors quand j’ai l’occasion de découvrir ce nouveau roman, à venir le...

le 16 août 2020

9 j'aime

Le mépris en vacances

Premier roman que je lis de Bégaudeau, qui me laisse un sentiment mitigé. Cette histoire de couple de Bourgeois parisiens donneurs de leçons du 3ème en vacances à Royan apparait totalement...

Par

le 18 févr. 2021

3 j'aime

Un basculement est-il possible ?

Ceux qui connaissent l'auteur feront tout de suite le lien avec Histoire de ta bêtise, essai dans lequel il s'attaque avec véhémence à la bourgeoisie cool, car nous avons là le portrait ultra...

le 10 mars 2021

2 j'aime

Du même critique

"Une famille n'est jamais autant une famille qu'en vacances"

Il y a des critiques qui donnent vraiment envie d'acheter le produit dont il est question tant elles sont réussies. Ce fut le cas pour « Un enlèvement » de Bégaudeau. On est à Royan dans un luxueux...

Par

le 16 nov. 2020

1 j'aime

Une chambre pour toutes.

Quand on veut lire des romans/essais féministes, on a souvent deux noms qui reviennent : "King Kong Théorie" de Virginie Despentes et "Une chambre à soi" de Virginia Woolf. Ce sont je crois, les...

Par

le 20 sept. 2020

1 j'aime

Changement radical, réussite quasi-totale

Après le controversé "Hell" puis le plus calme "Bubble Gum", Lolita Pille prend une direction osée pour son troisième roman "Crépuscule Ville". Dans ses précédents livres nous étions dans une...

Par

le 30 avr. 2020

1 j'aime