Tourné en pleine "chasse aux sorcières" à Hollywood, ce film est un violent réquisitoire contre la lâcheté collective. La petite ville de Black Rock perdue en plein désert et où même le train ne s'arrête jamais, a tout du patelin paisible, aux habitants accueillants avec son brave sheriff, son vieux toubib un peu imbibé, et sa jeune garagiste serviable... mais derrière cette façade apparente de respectabilité, se cache une communauté coupable qui par haine, par racisme ou par peur, est responsable collectivement d'un meurtre, et face à cette collectivité soudée par le crime, l'étranger manchot qui descend un jour du train qui pourtant ne s'arrête jamais, commence à fouiner et devient le gêneur qu'il faut éliminer. Le film bénéficie d'une structure dramatique très resserrée (l'action se déroule en 24 h, entre 2 ages de train). John Sturges place ses personnages comme les pièces d'un échiquier, utilisant les possibilités du cinémascope et le jeu monolithique d'un Spencer Tracy inhabituel et qu'on n'attend pas dans ce rôle, mais qui devient le héros d'un combat tragique. Lee Marvin et Ernest Borgnine qui tenaient souvent des rôles de brutes à cette époque, sont excellents dans une séquence surréaliste où ils se font rosser par Tracy. Un film magistral, à l'impact fort, rondement mené, qui est ressorti en 1970 sous le titre Coup dur à Black Rock (d'après son titre original), à voir absolument.