J'ai dû voir ce film probablement en 1973 ou 74, j'avais donc entre 14 et 15 ans, c'est encore un âge où je m'émerveillais facilement devant un dessin animé, et je me souviens que celui-ci m'avait marqué et particulièrement plu car il revisite la légende du justicier de Sherwood en la mixant avec celle du Roman de Renart, vieux fabliau du XIIème siècle. Initié par Walt Disney en personne peu avant sa mort, ce projet est le dernier grand chef-d'oeuvre de l'usine aux grandes oreilles, et qui s'inscrit parmi les grands films de la firme comme les 101 dalmatiens, Merlin l'enchanteur, le Livre de la jungle et les Aristochats, c'est réalisé par la grande équipe, celle de Wolfgang Reitherman, avec les musiques de George Bruns. Etrangement, ce film n'est pourtant pas toujours cité en premier et peu représenté dans les parcs Disney, pourtant je trouve que les derniers Disney en animation traditionnelle ont un peu perdu cette petite étincelle de génie qui caractérisait ces grands chefs-d'oeuvre, dont ce Robin des Bois fait partie. D'ailleurs, il est classé 7ème dans mon top Disney.
Cette version de conte animalier brille particulièrement par le choix des animaux en fonction des caractères des personnages : ainsi il est normal que le rusé Robin soit un renard adroit et matois, Petit Jean est un ours costaud, le Prince Jean un lion chétif et peureux, son bras droit Triste Sire un serpent mielleux, le shérif de Nottingham un loup cupide, et Adam La Halle qui est le vrai conteur de cette histoire, est un coq qui a bizarrement une apparence grandie, alors que les lapins qui symbolisent le peuple opprimé ont gardé leur petite taille...
Autre atout qui saute aux yeux : la qualité du dessin qui a un peu évolué depuis Cendrillon ou la Belle au Bois Dormant, et de l'animation, qui malgré un budget serré, doit recycler pas mal d'images rappelant des films précédents ; ainsi la ressemblance entre Petit Jean et Baloo est flagrante dans certaines postures, mais ceci n'est pas gênant et n'entache pas le plaisir qu'on prend à ce film où le cocktail humour, action et émotion fonctionne toujours aussi bien. La fantaisie à 2 dimensions est toujours porteuse de gags dont certains sont parodiques ou ironiques, et certaines scènes sont des morceaux de bravoure, comme la rencontre entre Robin et le Prince Jean dans le carrosse, le tournoi d'archers ou l'évasion nocturne du château.
La romance entre Robin et Dame Marianne est un peu mièvre, ce qui explique peut-être que le Prince Jean et Triste Sire volent la vedette au héros, mais ce qui domine, c'est la fantaisie, le côté joyeux du divertissement drôle, vif et inventif, sans oublier des voix françaises parfaitement adaptées, notamment avec Pierre Vassiliu, chanteur célèbre en ce début d'années 70 qui double bien justement Adam La Halle dans ses présentations chantées ; on retrouve Dominique Paturel en Robin, Claude Bertrand en Petit Jean, Philippe Dumat en Prince Jean, Pierre Tornade en Frère Tuck, Jacques Marin en shérif, et bien évidemment l'incontournable Roger Carel en Triste Sire.