La critique complète du Huzar sur le toit : https://lehuzarsurletoit.substack.com/p/rendez-vous-avec-pol-pot-rithy-panh
En remettant sur le métier le lancinant sujet de la mémoire du régime khmer rouge, Rithy Panh signe un film imparfait mais traversé par de belles idées de mise en scène.
(...) L’intérêt principal de cette fiction est qu’elle aborde un aspect trop souvent négligé de la tragédie cambodgienne, à savoir la complaisance d’une certaine intelligentsia occidentale vis-à-vis du régime des Khmers rouges. Ainsi, le personnage de l’intellectuel Alain Cariou, inspiré par les figures de Noam Chomsky et d’Alain Badiou, se berce d’illusion quant au Kampuchéa démocratique, aveuglé par la pureté supposée de l’idéologie anticapitaliste. Ses yeux semblent ne jamais devoir se déciller jusqu’à l’entretien final avec Pol Pot qui lui fait prendre conscience du caractère implacable de la révolution qu’il a longtemps appelée de ses vœux.
(...) Outre cette dimension politique, Rithy Panh reprend une nouvelle fois la grande question que travaille son cinéma depuis les années 1990 : comment représenter les crimes de masse à l’écran ? Le cinéaste, lui-même rescapé du génocide perpétré par les Khmers rouges, poursuit inlassablement sa quête de ce qu’il appelle « l’image manquante ». Tous les films de Rithy Panh sont marqués par une conscience du devoir de mémoire par l’image et, en même temps, achoppent sur l’impossibilité de sa matérialisation.
(...) Malgré ces indéniables limites, on ne peut que saluer la démarche de Rithy Panh qui est d’une rigueur intellectuelle et morale rare. Contrairement à la Zone d’intérêt, construit dans le seul but d’affirmer la posture auctoriale de Jonathan Glazer, Rendez-vous avec Pol Pot frappe par sa sincérité. Moins abouti que S21 (2003) ou l’Image manquante (2013), il constitue malgré tout un jalon utile dans l’œuvre mémorielle de Rithy Panh.