Jacques Demy revisite le célèbre conte de Perrault avec la fraîcheur et la naïveté propres à l'enfance, en utilisant tout l'attirail des contes : roi, bonne fée, princesse ingénue, sorcière, prince charmant, perles et crapauds. A cela s'ajoutent de grands acteurs, des décors parfois bizarres ou magnifiques (comme Chambord ou le château de Plessis-Bourré situé en Anjou) et des costumes chatoyants, notamment les fameuses robes de Catherine Deneuve absolument éblouissantes. Demy n'opte pas cette fois pour un film musical en continu, certes, il y a la musique de Michel Legrand, mais c'est un film parlé, avec quelques chansons qui s'intercalent entre des dialogues.
Un film qui se veut enchanté, malicieux, féerique, plein de poésie, avec de délicieux anachronismes, et dont le ton est très proche d'un merveilleux cher à Cocteau, on y décèle en effet un hommage à la Belle et la Bête, et la présence de Jean Marais en est un beau clin d'oeil, de même que c'est proche aussi de certains Disney comme Blanche-Neige et les sept nains ou Cendrillon. On y décèle aussi un brin de mélancolie et de la subversion discrète. En effet, sous une fausse innocence, Demy aborde le thème de l'inceste, car sous l'amour du père pour sa fille, il y a quelque chose de perceptible, mais peut-être que dans la féerie, les sentiments comme les situations, s'écartent du monde normal qui est le nôtre. En tout cas, Demy organise tellement bien son spectacle chatoyant, que cette situation n'a rien de scabreux, mais ça prouve encore une fois que les contes de fée n'étaient pas faits pour les enfants, et spécialement l'univers des contes de Perrault.
Voici donc un film qui possède un sens de la magie visuelle, et l'enchantement esthétique de ces jolies images de rêve, servies par un beau casting et une superbe partition de Legrand.