Comparé un peu hâtivement aux œuvres de Kurosawa ou pour les cinéphiles samouraïs les plus avertis, aux films de kobayashi, "Le joueur de Go" s'aventure effectivement dans un Japon Féodal peu exploré ces dernières années au cinéma, mais contrairement à ses glorieux ainés s'écrit loin des champs de bataille et des luttes épiques qui animent habituellement les films du genre.
A l'inverse Kazuya Shiraishi, déploie sa fable/ son récit dans l'infime et ose le dépouillement, pas dans son imagerie, mais dans ses situations où jamais il ne cède à la tentation de la précipitation. En ce sens "Gobangiri" fait figure d'objet anachronique et quelque peu désuet, d'abord éloge de la lenteur, lorsqu'il impose son cadre et ses personnages notamment Yanagida, rodin (samouraï sans maitre car exclu de son clan) de l'ère Edo (ère de paix au japon à partir de 1600), père d'une jolie jeune fille reconverti dans l'art de la gravure de sceaux (la gravure de sots sera envisagée plus tard) et surtout joueur de Go émérite.
L'emballement (relatif), viendra plus tard, même très tard dans le récit, lorsqu'il s'agira de laver une réputation ternie par une sombre histoire de dissimulation (?) ; mais le cinéaste ose une première heure contemplative, envoûtante, perdue dans des intérieurs élégants dévoilés par de lents mouvements panoramiques ou dans l'enchevêtrement labyrinthique des ruelles du village en plein expansion d'Edo (l'actuelle Tokyo), reconstituées avec soin, habitées par une multitude de personnages captés toujours à hauteur d'hommes ou de femmes et en pied, parce qu' allez savoir pourquoi, Shiraishi semble pris d'une ion pour les pieds juchés sur des "Geta" embrassant des foulées minuscules dans un ballet de kimonos fleuris .
Bref, le cinéaste recrée un monde cinéma à l'ancienne, sans ajout numérique, mais, surtout, "Gobangiri" réussit le pari insensé de bâtir une esthétique noble autour des "Goban" anciens, où les partie de Go sont érigées en symphonies de l'encerclement, chaque pierre posée devient un rituel; là ou Lynch réussissait à captiver en montrant durant plusieurs minutes un balai rassemblant des mégots dans "Twin Peaks the return", Shiraishi enchante avec le bruit sourd des pierres heurtant un plateau de jeu.
Pour autant, le scénario jamais n'est figé, les personnages deviennent rapidement des figures exemplaires, -principalement le Ronin et sa fille-, dans leur quête de dignité. Finalement le métrage s'engage sur les chemins de l'aventure et du combat avec toujours en toile de fond le respect des règles du Bushido (code d'honneur des samouraïs).
Les inévitables scènes de combat sont évidemment chorégraphiées avec une belle élégance dramatique et une certaine virtuosité, mais c'est finalement dans cette dernière partie (la plus attendue initialement) que déploient les scènes les plus convenues, rompant (mais cette rupture est toute relative) le charme contemplatif et inattendu de la première partie.