L'argument du roman de H.G. Wells était un sujet en or pour le cinéma, il était donc tout désigné pour le studio Universal qui s'était spécialisé dans les films fantastiques au début du parlant avec le Dracula de Tod Browning en 1930. Réalisé en 1933 par James Whale peu après son Frankenstein, L'Homme invisible s'inscrit dans le même style, à savoir que ce cinéma des années 30 se caractérisait par ses éclairages travaillés en clairs obscurs, ses décors de carton pâte décoratifs, sa simplicité dramatique, et son pouvoir suggestif ; tout ceci sert à merveille cette histoire menée de façon très concise, puisque le film ne dure que 1h10, la dynamique de la narration étant assez serrée.
Un effet chasse l'autre, l'action est rapide, on ne perd pas de temps, et les Fx de John Fulton constituent une performance technique étonnante pour l'époque avec un festival de trucages stupéfiants, qui seront souvent imités par la suite dans de nombreux remakes, et qui sembleront datés aujourd'hui, mais voir une cigarette s'allumer toute seule, un vélo rouler sans personne dessus, un pantalon ou une chemise flotter dans l'espace, des bandelettes se dérouler sur du vide, des traces de pas dans la neige ou des acteurs feindre d'être étranglés par un agresseur invisible... tout ceci représentait une prouesse alors que le cinéma parlant en était à ses débuts.
On sourit devant ces situations et leur naïveté poétique, mais derrière ce merveilleux illusionnisme, se cache l'inquiétante montée de la folie qui habite le personnage du savant piégé par sa terrible invention responsable de son état irréversible. Le tour de force de Claude Rains consiste à faire sentir ce sentiment uniquement par la voix durant la totalité du film, puisque son visage n'apparaît que dans le tout dernier plan. Paradoxalement, c'est ce rôle qui lancera sa carrière. Voici donc un classique du fantastique qui aura forcément vieilli au regard des films modernes, et qu'il faut replacer dans son contexte d'époque, mais qui garde encore une certaine magie.