Quand il est encore question des temps qui changent
Si "Le Goût du saké" met en scène un homme veuf, "Fin d'automne" aura traiter 2 ans avant le même thème, que ce soit pour les hommes ou les femmes.
Bien sûr, les conséquences malheureuses de la 2nde guerre mondiale ne sont pas énoncées.
Mais on devine - à la mélancolie omniprésente dans le film - que les temps évoluent dans le Japon des années 50-60. Et qu'une permutation est en cours dans la société japonaise :
- lieux de restauration : "Coffee shops" et bars dédiés au whisky "Red label" et aux sodas "Coca cola" succèdent aux tables basses traditionnelles sur lesquelles on peut déguster thé et saké,
- habits : costumes 3 pièces succèdent aux kimonos,
- coutumes : les jeunes filles déterminées tiennent tête aux patriarches,
- musique : Presley remplacent les opéras folkloriques vernaculaires.
Chimères et pragmatisme
Les tentatives de mariage arrangé sont encore présentes, comme dans le "Le Goût du saké". Mais les jeunes filles ne se contentent pas de rêver d'amour et de sourire de manière béate.
Elles prennent leur destin en main tout en restant attentives à l'environnement économique, social et familial.
Il est également question de survivre à la solitude.
Si les jeunes veulent se marier par amour, les vieux le font pour ne pas se retrouver seuls au crépuscule de leur vie.
Bienveillance et Tristesse
Deux sentiments me viennent à l'esprit au sujet du cinéma d'Ozu et au sujet de ce film en particulier. Je paraphraserai les principaux protagonistes :
- "les jeunes gens d'aujourd'hui sont magnifiques" : les vieux buveurs de saké et de bière jugent positivement les aspirations de leur jeunesse, pourtant fougueuse. Mais au-delà, c'est le réalisateur qui porte un regard bienveillant sur les us et coutumes insulaires qui évoluent au XXème siècle.
- "triste ou pas, je dois m'y faire. C'est le bonheur de ma fille." : la mélancolie est un élément fondamental de la culture japonaise. Ici elle est exacerbée par le jeu des acteurs, la musique (les violons qui pleurent), les situations (le film ouvre sur une cérémonie aux morts et finit sur un mariage dans les vêtements traditionnels) ou les mises en scène épurées tout en restant fidèles à la culture japonaise.
La peinture immobile du cinéma
Pour finir, un mot sur les plans et les couleurs de ce film qui sont également si beaux.
Nombre de scènes sont autant de peintures réalisées avec un souci incroyable pour positionner les caméras et réaliser des plans immobiles.
A croire qu'Ozu désirait pouvoir sortir de son film un reportage photographique.
En résumé, un film si proche du "Goût du saké" et par là très complémentaire pour comprendre :
- l'oeuvre d'Ozu,
- le Japon de l'après guerre.