Ayant délaissé pour un temps mes amours au pays du soleil levant, j'ai renoué hier soir, le temps d'un rendez-vous de 2 heures, avec Ozu, quitté lors du beau et triste Voyage à Tokyo.
Après le noir et blanc marque des films intimistes que m'a fait apprécier le cinéma japonais, j'ai découvert cette oeuvre qui n'a rien perdu de son ambiance paisible et sereine, la couleur soulignant de façon plus éclatante encore ces beaux décors entre rigueur géométrique et détails réalistes, une esthétique abstraite et moderne remarquablement mise en valeur dans cette réalisation de 1960.
Mais si mélancolie et nostalgie du temps qui e imprègnent encore le film, la comédie y fait de savoureuses incursions, non exempte d'une grivoiserie qui surprend, amuse et séduit, donnant aux personnages masculins relief et vérité dans ces discussions des choses de la vie intemporelles et éternelles.
Trois hommes d'âge mûr vont prendre en mains le destin d'une jeune personne à marier, et pas n'importe laquelle : la jolie Ayako, fille de leur meilleur ami décédé, qui vit désormais seule avec sa mère "la fille de la pharmacie", la douce, la belle Akiko sur qui convergeaient tous leurs désirs de jeunes hommes et dont ils étaient secrètement amoureux.
Mais entre les deux femmes c'est une relation fusionnelle faite d'amour inconditionnel et d'iration, aucune ne voulant renoncer à cette solitude à deux qui les rassure : crainte de l'inconnu, pureté et idéalisme chez la fille qui refuse le mariage, tandis que sa mère, jeune encore mais déjà résignée, écarte cette idée, magnifiquement exprimée par sa phrase : "Il est difficile de repartir du bas de la colline".
Peut-être trouvera-t-on que dans ce film, Setsuko Hara use et abuse de ce lumineux sourire qu'on lui connaît, même s'il dissimule bien sûr le age obligé et redouté, le moment crucial où il faut savoir quitter un état pour un autre et occuper la place assignée par la société : mariage pour les jeunes gens, résignation pour les parents, qui devront désormais se résoudre à emprunter un chemin entre vieillesse et solitude.
Et dans ces portraits de femme ou de jeunes filles, on n'oubliera pas l'amie de coeur : la jeune Yukiko (Mariko Okada) d'une insolence rafraîchissante , qui parle vrai et juste, et qui sous ses airs de fille qui n'a pas froid aux yeux, incarne de façon délicieuse cette femme nouvelle, sensible mais pragmatique, véritable bol d'air pur et printanier dans cette Fin d'automne.
Une belle réalisation qui me fait bien augurer, comme chaque fois, de mon prochain rendez-vous avec Ozu.