🔴Pour le lecteur pressé, en moins de 3 minutes : https://youtu.be/GI4RE8SnKL4
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Un bruit. Une goutte métallique qui ne tombe pas. Qui résonne dans une boîte crânienne. Tashiro l’entend. Personne d’autre. Juste lui, captif d’un carillon interne, oscillant entre son et symptôme, hallucination ou mécanique neuronale infiltrée. Il dit qu’une machine s’est greffée à son cerveau. Il le dit calmement, presque avec gratitude. Matsuoka, son professeur de cuisine — figure paternelle, ou projection post-traumatique, peut-être — tente de le ramener. Mais le Chime recommence. Toujours plus net. Toujours plus dedans.
On est dans un Kiyoshi Kurosawa qui ne cherche plus à faire peur. Il infecte. Il procède par corrosion. Plus rien n’est frontal : pas l’horreur, pas la folie, pas même la violence. La caméra — neutre, distante — devient l’antichambre d’un esprit qui se décompose doucement. Chaque plan est fixe, précis, comme si le film était tourné par une intelligence artificielle cherchant à simuler l’humanité. Mais c’est le contraire. Kurosawa filme le moment exact où l’humanité cesse.
Le film est court. Quarante-cinq minutes pour dissoudre l’idée même de durée. Le spectateur sort avec un tempo cérébral altéré, comme après une crise d’angoisse ou un rêve de fièvre. Pas de début, pas de fin : juste une propagation. Le Chime, c’est un virus. Un son qu’on ne peut plus faire taire une fois entendu. Et il n’est pas exclu qu’il ait commencé à vibrer dans l’oreille du spectateur aussi. Il n’est pas exclu qu’il continue.
Mutsuo Yoshioka, tout en regards en retrait, donne à Matsuoka un calme étrange, suspendu. Une ivité bienveillante qui confine au malaise. Seiichi Kohinata, en Tashiro, n’a pas besoin d’en faire trop. Il est déjà ailleurs, dès le premier plan. Un peu trop silencieux, un peu trop vide. Quelque chose ne colle pas avec la réalité. C’est tout le principe du film.
Musique ? Quasi absente. Juste des respirations électroniques, des bruissements qui ressemblent à des souvenirs. C’est Takuma Watanabe, en chirurgien du frémissement, qui compose l’ambiance. Tout est filtré. Rien n’est libre.
Et puis il y a ce couteau. Dernière image. Simple. Frontale. Mais qui n’explique rien. Comme si l’horreur, la vraie, ne résidait pas dans l’acte mais dans la certitude qu’il a déjà eu lieu, quelque part, dans un recoin de la psyché que le Chime vient d’ouvrir.
On pourrait croire à un épisode de Black Mirror nippon. Mais Chime refuse le twist. Refuse la critique sociale. Refuse l’interprétation. Il veut juste faire exister une sensation : celle de la contamination par le son. Et à ce jeu, il réussit. Glacialement. Note : 16 sur 20.