En observant la face "angélique" de ce film, nous voyons une maîtrise des couleurs, des décors époustouflants, une musique orchestrale tout le long, et des acteurs de renom. Pourtant, je persiste à ressentir que, malgré ce travail misant sur le spectaculaire, une superficialité demeure. Le réalisateur nous offre une succession de décors, avec une opulence affichée à chaque plan, comme pour exposer les moyens déployés et le budget conséquent, sans toutefois s’attarder véritablement sur l’intelligence du scénario.
Brad Pitt (Jack Conrad), sans grande surprise, était très convaincant dans son rôle et incarne le personnage le plus “intéressant”. Margot Robbie (Nellie LaRoy), pour sa part, s’est vue confier un personnage complexe, qu’elle a cependant interprété avec justesse. Néanmoins, le contexte a fait que je n’ai ressenti pour elle ni sympathie ni empathie, mais plutôt du dégoût. Diego Calva (Manny Torres), bien que jouant , m’a laissé une impression de fadeur et d’insignifiance, son personnage apparaissant quelque peu "tête à claque" par sa crédulité.
Le début du film, qui pique les yeux par sa débauche de provocations scatologiques, n’est malheureusement qu’un avant-goût de ce qui va suivre. Et lorsque l’on croit, a mi-parcours du récit, que l’actrice que nous suivons s’extirpe enfin de son univers de dépravation pour embrasser l’élégance, au rythme d’un Boléro de Ravel revisité, Damien Chazelle choisit à nouveau de nous donner un coup de poignard dans le dos. Une scène des plus écoeurante se déroule alors sous nos yeux de spectateurs impuissants, contraints de subir l’instant. Le personnage interprété par Margot Robbie vomit donc -littéralement- sur la représentation de l’élégance des années 20.
Tout au long du film, Chazelle propose un semblant de classe et de raffinement, mais seulement pour mieux nous heurter à la scène suivante. Le réalisateur semble jouer constamment sur la dualité entre le bien et le mal, le beau et le laid, le propre et le sale, au point de créer un profond malaise.
Mais lorsque j’ai assisté à la scène parodiant Chantons sous la pluie, ce film que je respecte et ire tant, un chef-d’œuvre cinématographique illustrant brillamment la transition du cinéma muet au cinéma parlant, j’ai été une fois de plus indignée. Voir cette séquence, où des acteurs aux dents volontairement jaunies ridiculisent une scène mythique, m’a paru proprement pathétique. Le vase, déjà débordant, a fini par se briser, et je n’ai ressenti que de la honte pour le film de Chazelle, honte pour le réalisateur, pour les acteurs qui ont accepté d’y participer, honte que ce film ait pu être diffusé dans des salles, honte qu’il fasse désormais partie du patrimoine cinématographique. Une note moyenne de 7,3/10 sur SensCritique ? Cela me laisse pantoise quant au goût du public…
Je me surprends à regretter la période du code Hays où -là au moins- les réalisateurs étaient contraints de déployer leur ingéniosité pour montrer certaines choses avec finesse, esprit et créativité. Une époque où la violence était suggérée et où la nudité ne ait que par des insinuations.
Car le problème ne réside pas tant dans le choix du thème que dans la manière dont il est traité. Si l’on compare La Dolce Vita, on retrouve, chez Marcello comme chez Nellie, cette même errance, cette incapacité à saisir une rédemption qui leur échappe. Pourtant, là où Federico Fellini parvient à insuffler une mélancolie envoûtante à son personnage, suscitant ainsi l’attachement du spectateur, Chazelle ne fait qu’exposer la déchéance de manière brute et tapageuse. Malgré les errances de Marcello, La Dolce Vita déploie une élégance visuelle remarquable, chaque plan étant empreint d’une grâce et d’une beauté incontestables. Fellini nous invite à contempler la chute sans jamais nous la marteler.
De son côté, Damien Chazelle, balourd, nous impose une sexualité débridée, partageant une vision radicalement malsaine. Quant à moi, je cherche encore sa démarche artistique que de mettre à ce point en scène des acteurs simulant une orgie…
Parfois, je pense à certains cinéastes de l’époque, et je me dis… heureusement qu’ils ne peuvent pas assister à cela. J’ai donc attribué la note la plus basse, car pour moi, ce film est une insulte au cinéma et à son histoire, une déformation de la réalité visant à anéantir toute forme de beauté. C’est l’avilissement de l’être humain poussé à son paroxysme.
[Critique écrite en août 2024]