Adolescence coche toutes les cases du bon produit à emballement populaire et médiatique. Production Netflix, format mini-série facile à "consommer", parti pris formel spectaculaire, et thématique choquante. Il fallait pourtant s'en douter, si la série a des qualités, elle est loin d'être à la hauteur de sa réputation.
Après l'effet waouh de ses premières minutes, qui suivent l'interpellation d'un adolescent par la police au domicile de sa famille, le tout dans la frénésie immersive d'un plan-séquence, le vernis craquelle. Très vite, on comprend que le plan-séquence est un joujou qui impressionne, mais dont les créateurs peinent à trouver une justification esthétique. Les longues séquences souvent vides d'intérêt et pauvres en écriture se succèdent, et la réalisation ne sert qu'à relier entre elles les quelques scènes motrices qui surnagent. Le sujet, fort, ne doit alors son salut qu'à l'implication de ses deux acteurs principaux : Stephen Graham et le jeune Owen Cooper.
L'épisode 2 confirme ce sentiment. Le très laborieux périple de deux inspecteurs de police dans un collège peine à raconter intelligemment quelque chose, ponctué par des interactions veines, des répliques creuses et une course poursuite finale qu'on croirait en slow motion. Le pinacle étant atteint lors d'un aparté entre l'inspecteur et son fils, où les deux acteurs semblent se lancer dans une compétition de cabotinage, et où la police est apparemment trop stupide pour interpréter des posts Instagram. Et l'épisode de se conclure sur un plan drone inutile mais qui en jette, avant de se fixer sur le regard supposément plein de sens de Stephen Graham.
Le troisième épisode vient heureusement relever le niveau. Pour la première fois, le procédé formel se justifie et donne de l'épaisseur au propos. Centré sur un long entretien entre le jeune Jamie et une psychologue dans un centre d'enfermement, l'étirement de la séquence et le huis clos permettent à cette discussion de muter, d'immiscer du doute, d'offrir au jeune acteur et à son interlocutrice l'espace pour des performances impressionnantes. Abordant enfin des thématiques plus introspectives, plus en subtilité, ce segment semble se suffire à lui-même.
Mais malheureusement, la série ne peut s'empêcher de se conclure en retombant dans ses travers, au cours d'une journée d'anniversaire dans la famille de Jamie, dont les intentions sont louables (questionnements sur la parentalité, l'opprobre, le deuil de l'image de ses enfants, l'amour) mais dont la mise en place totalement alourdie par un plan-séquence gadget et poussif finit de donner à cette série le sentiment doux-amer d'un gentil gâchis.
Ne reste à la fin que l'impression d'avoir failli assister à la naissance d'une œuvre générationnelle, capable de mettre en lumière les travers de son époque. Mais à trop survoler son propos sans réfléchir sa forme, Adolescence triomphe certes, mais sans gloire.