Un boulet scénaristique

Autant le dire tout de suite, c'est une oeuvre que l'on m'a donnée à lire dans le cadre universitaire : censé représenter un récit fictif & un récit autobiographique inextricablement liés, on s'emmerde toutefois à faire le possible rapprochement durant toute la lecture, jusqu'à être déçu par une fin qui choisit le chemin de la facilité.

En effet, Perec ne signe pas là sa plus grande réussite, à mon humble avis. Dans l'un de ses récits croisés, il s'amuse à relater le moindre de ses souvenirs d'enfance l'ayant pour peu aidé à se découvrir un talent littéraire. On a donc affaire à un enchaînement de mémoires partielles, des morceaux de é, des visions floues, ou des descriptions hasardeuses. Cette partie-là du bouquin m'a grandement embêté : hormis les souvenirs connotant quelques éléments historiques (& là, d'un point de vue strictement informatif, c'est utile), le reste n'est composé que de vagues aperçus à propos de photos, par exemple, ou d'imageries bien fortuites de membres de la famille de l'auteur.
Dans l'autre récit, ici complètement fictif, on aura d'abord droit à une discussion mystérieuse entre deux individus inconnus, puis on sera transportés sur W, une île mystérieuse régie par des normes impitoyables & par un seul but : la Victoire dans le Sport. On remercie Perec pour tous ces éléments de description, ces statistiques & ces références Ô combien intéressantes. Disons que la discussion primaire est assez entraînante, on s'attend, de droit, à une suite sensationnelle, mais non. Une césure nette, un nouveau récit, & on peut dès lors avouer que durant ces innombrables pages en italique, le désarroi pointe son nez. J'ai, à plusieurs reprises, laissé tomber ce bouquin. On se surprend à avoir les paupières lourdes, quel que soit le moment de la journée. Seuls les quelques éléments piquants de la fin relèvent un peu le niveau, mais la conclusion en elle-même déçoit particulièrement.
Alors ne dénigrons pas le style, car la forme de Perec est tout à fait irable. Il manie la ponctuation comme s'il l'avait inventée, ses phrases sont justes, sa grammaire pointilleuse. Mais quel ennui d'avoir une belle forme si le fond ne suit pas !

Une déception, pour moi qui m'attendais à une expérience unique entre deux récits croisés. Cela semble amateur, jeté à la volée, comme si Perrec, emporté dans un élan d'inspiration, se mit à écrire une nouvelle, puis, déçu par le contenu trop insuffisant, il s'était mis à remplir son oeuvre de merdes inutiles & entravant le peu d'intérêt du scénario.
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le 17 déc. 2011

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Satané

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