David Foenkinos décide de débuter son roman au titre si pessimiste par cette phrase, qui l'est encore plus :
J'ai l'impression que la mort est un regard qui me guette en permanence.
Personnellement, cela a suffi à m'émerveiller.
Tant de noirceur, d'amertume, de doute, de douleur dans une si courte phrase ne pouvait qu'annoncer une histoire poétique et pourtant si dure, triste mais si belle, sincère et maladroite, étrange et si réelle.
L'histoire est simple et c'est ce qui fait qu'on s'y attache facilement.
Fritz aime Alice. Et Alice aime Fritz. Mais il arrive qu'ils se détestent, se déchirent et...se séparent. Cela arrive même souvent. Parfois, l'amour n'est pas suffisant mais parfois, l'amour les ramène l'un vers l'autre, sans qu'on ne sache vraiment pourquoi.
Fritz, narrateur de sa propre histoire, nous raconte ses histoires d'amour et surtout celle qui définit toutes les autres : celle avec Alice. Avec naturel et simplicité, Fritz partage ses maladresses, ses angoisses et ses sentiments. Il se confie, juge, adopte un ton sarcastique face au triste destin de son histoire d'amour mais reste toujours humble et profondément humain.
C'est certainement ce qui fait que le lecteur poursuit sa lecture, son aventure, sa plongée dans l'épopée amoureuse de ce personnage excentrique et maladroit, solitaire et pourtant entouré, mélancolique et pourtant plein de vie. Avec douceur, Foenkinos donne la voix à un homme réel, un adulescent idéaliste qui, comme tous, ne parvient pas à imaginer la vie sans son autre. Tout tourne autour de la seule thématique de l'amour mais d'autres sujets gravitent.
Alice, elle, est issue d'une famille respectable. Cette différence de rang social permettra de rendre compte des attentes des parents envers leurs enfants, de ce qu'ils espèrent qu'ils accompliront et de la pression que cela peut représenter pour l'enfant, éduqué dans ce carcan si fixe et attendu. De l'autre côté, les parents de Fritz ne s'attendent peut-être pas à ce qu'ils décrochent la lune, mais ont failli sur d'autres plans, notamment émotionnels. Peut-on invoquer à nos parents et à l'éducation transmise les conséquences de nos propres failles émotionnelles ?
Du reste, Fritz veut s'élever, être à la hauteur de sa bien-aimée, avoir tous les éléments dont elle rêve pour les lui offrir. Même si cela signifie de s'enfermer dans un quotidien bien rangé, avec un poste respecté, et un chemin tracé et attendu. Finalement, à quoi rêve-t-on ? A construire un chemin comme on l'entend ou à trouver quelqu'un pour parcourir un bout de route, et ce peu importe à quoi ressemble ce voyage ? Est-ce que nous ne changeons pas nos convictions lorsqu'un être autre que soi devient presqu'aussi important à nos yeux ?
Alice et Fritz se retrouvent. Toujours. Quoiqu'il arrive, peu importe le temps qui e, les semaines qui s'accumulent, les années qui se succèdent, les fossés qui se creusent,... Alice et Fritz se retrouvent. Sont-ils âmes soeurs ? Est-il possible qu'ils "finissent" ensemble ? Et qu'est-ce que cela veut dire "finir ensemble" ?
Bernard Pivot a dit de ce livre qu'"on est dans la plus jolie tradition française: s'am de ce qui serre le coeur". Pas mieux. Nos Séparations est un petit bijou plein d'émotions, de carresses mais également de douleurs et de baffes, de mots injurieux et de yeux emplis de larmes, d'amour et de souf. C'est doux, c'est sincère, c'est simple, c'est pure. C'est beau. C'est colorier en noir les négations, les faire disparaître mais ne pas nier qu'elles apparaissent.