Pastorale rugueuse et fragile éclosion
Pour son premier long métrage, Louise Courvoisier s’ancre dans les paysages bruts du Jura et signe une chronique adolescente à la fois âpre et maladroite, où le réalisme régionaliste flirte avec l’esquisse de fable. Son jeune protagoniste, fils d’un fromager décédé, cherche sa place entre le poids du deuil, la pesanteur d’un monde rural en mutation et l’appel diffus d’un ailleurs — ou d’un autrement.
Le film vise un naturalisme sensible, presque sensoriel, captant la densité des corps, des silences et des gestes, mais cette tension vers l’incarnation est souvent contredite par un ton indécis. Courvoisier hésite entre le burlesque tendre à la Bruno Dumont (sans l’ampleur métaphysique) et la veine initiatique plus classique. Il en résulte un récit en pointillés, ponctué de fulgurances mais aussi d’effacements, comme si l’écriture se refusait à trancher entre chronique sociale et cinéma du trouble.
Visuellement, la mise en scène reste en retrait, parfois timide, mais laisse affleurer un vrai regard sur les visages et les paysages — non pas magnifiés, mais patiemment observés. La direction d’acteurs amateurs fonctionne à l’économie, avec des éclats de justesse, malgré quelques rigidités de jeu.
Vingt Dieux convainc par ce qu’il tente plus que par ce qu’il accomplit : un film de bordure, encore maladroit, mais qui témoigne d’un désir de filmer le territoire et ses failles avec une sincérité notable. Une œuvre de jeunesse au sens fort — inégale, mais habitée.