Une tragédie grandiose, mais inégale
Vincere impressionne par son ambition formelle et son sujet audacieux : raconter la montée du fascisme du point de vue d’Ida Dalser, femme abandonnée et effacée par Mussolini. Bellocchio signe une œuvre fiévreuse, presque opératique, où le drame intime se confond avec la grande Histoire. La performance intense de Giovanna Mezzogiorno donne chair à cette figure tragique, et le travail sur l’image, le son et les archives révèle une volonté de stylisation marquée.
Mais cette force expressive est aussi la limite du film. Le parti pris d’excès — montage heurté, musique omniprésente, symbolisme appuyé — tend parfois à noyer l’émotion dans l’esthétisme. Le personnage de Mussolini, relégué à une ombre doublement interprétée par Filippo Timi, devient presque trop conceptuel pour incarner réellement le danger politique qu’il représente.
Vincere fascine autant qu’il étouffe, et si le film dénonce brillamment l’effacement d’une femme par le pouvoir, il pèche parfois par sa volonté de tout sur-signifier. Une œuvre puissante, mais inégale, tiraillée entre lyrisme maîtrisé et emphase excessive.