Il est curieux que ce Taxi pour Tobrouk ne soit jamais répertorié parmi les road-movies alors qu’il en contient les principales caractéristiques. À bord d’un véhicule allemand, quatre soldats alliés et leur prisonnier allemand traversent le désert libyen pour redre El-Alamein. Le film raconte les petites péripéties de cette traversée qui n’a rien de particulièrement épique. Évitant le spectaculaire, le récit n'est ni vraiment un film de guerre ni un film d’aventures et ceux qui attendent de l’action risquent fort d’être déçus. L’ensemble tient sur la qualité de ses dialogues mijotés par Michel Audiard et par une interprétation dominée par Lino Ventura et Hardy Krüger dans une ambiance très intimiste.
Dans ce périple parfois absurde, Michel Audiard s’en est donné à cœur joie pour verser dans l’antimilitarisme. Alors qu’en arrière-plan, la bataille fait rage, ce microcosme voit les relations militaires progressivement se muer en relations humaines. Embourbés dans le même pétrin, perdus au milieu du désert, les personnages croisent des colonnes alliées ou ennemies aux réactions parfois surprenantes. Du début à la fin du film, l’ombre du quiproquo semble toujours planer sur le groupe qui craint toujours d’être la cible d’un camp ou de l’autre, signe évident que les militaires sont des imbéciles qui tirent avant de discuter.
« Il faudrait toujours tuer l’ennemi avant de le connaître », déclare Maurice Biraud vers la fin du film. Une réplique qui résume toute cette histoire. Derrière l’uniforme, derrière la guerre, des amitiés sont possibles : autrement dit, pendant la guerre, on ne cesse de tuer des amis potentiels. En 1961, à l’heure où il fallait construire l’Europe et mettre fin à la haine des Allemands, ce Taxi pour Tobrouk était une belle allégorie. Soixante ans après, il reste un film brillant, parfois amusant, parfois cinglant, parfois touchant. Un divertissement populaire intelligent qui n'a pas perdu de sa force.