Désert de Libye,pendant la Seconde Guerre Mondiale.Suite à de sanglants combats,quatre soldats français se retrouvent isolés et contraints d'effectuer des centaines de kilomètres en jeep afin de regagner leurs lignes.Ils capturent en chemin un officier allemand,ce qui ne sera pas sans conséquences sur l'aboutissement de leur équipée.La partie du conflit située en Afrique du Nord a été moins prisée au cinéma que celle se déroulant en Europe,probablement parce que ces zones désertiques sont peu propices à des rebondissements scénaristiques et à des séquences spectaculaires.La Gaumont s'y colle cependant en 61 et a mis des moyens importants dans cette production.Il y a du costaud au générique avec le réalisateur Denys de La Patellière,le scénariste René Havard,qui adapte son propre roman,Michel Audiard aux dialogues,Marcel Grignon à la photo et Georges Garvarentz à la musique,ce dernier n'étant autre que le beau-frère de Charles Aznavour,une des vedettes du film.Le premier assistant est un certain Pierre Granier-Deferre,qui era à la réalisation cette même année.Tout le monde s'est appliqué et le résultat est plutôt bon compte-tenu des handicaps de départ.La Patellière,sans être génial,offre une mise en scène solide et restitue correctement les contours du script habile d'un Havard qui sait susciter constamment des évènements relançant l'action.La belle image noir et blanc de Grignon exploite de belle manière ces paysages de désert qui ne sont pas ceux de l'Afrique mais les fameux décors d'Almeria,en Espagne,le fief du western spaghetti.Au son de l'entraînante "Marche des anges",on suit donc sans ennui cette épopée sinon antimilitariste,du moins anti-belliciste.On n'évite cependant pas les temps faibles,notamment lors de scènes de transition souvent étirées,et il y a un problème concernant les dialogues d'Audiard,qui constituent à la fois une des grandes forces et une des faiblesses du film.C'est brillant comme l'auteur savait l'être,et pas mal de répliques ici servies sont entrées dans la légende,à l'image du fameux "deux intellectuels assis iront toujours moins loin qu'une brute qui marche",mais c'est généralement trop littéraire et trop humoristique pour cadrer avec le contexte tragique de cette aventure.On ne voit pas trop des soldats en pleine panade s'exprimer de cette manière,ni avec un tel détachement.Ce qui ait aisément dans des comédies policières style "Les tontons flingueurs" devient beaucoup moins crédible dans un drame WW2.A part ça l'intrigue explore à la fois les limites de l'antagonisme guerrier et le poids de la fatalité.Le capitaine von Stegel est un ennemi mais c'est aussi un type bien,et les français qui le détiennent ne pourront s'empêcher de sympathiser avec lui.Une phrase de Gensac,vers la fin,synthétise irablement cet état de fait,lorsqu'il dit "on devrait toujours tuer les gens avant de les connaître".Mais cette empathie a aussi ses limites,et c'est Ramirez qui les définira quand Dumas sera tenté de relâcher le prisonnier,avec cette formule:"s'il fallait libérer un gars pour qu'il rentre dans ses foyers,d'accord,mais si c'est pour le renvoyer en face et qu'on continue à se tirer dessus....".C'est tout le paradoxe de la guerre,qui oppose des états,des personnes morales,alors que les hommes qui la font ne se connaissent pas et n'ont aucun grief mutuel.Par ailleurs les conséquences de toute décision,surtout dans un cadre aussi périlleux,sont adroitement mises en évidence.Chaque choix fait par les protagonistes déterminera in fine leur sort,tout se closant de façon ironiquement tragique.Il y a peu d'acteurs mais ils sont très bons,à commencer par Lino Ventura,dans son habituel numéro de brute au grand coeur.Se retrouvant par hasard à la tête de ce groupe improvisé,ce gars courageux mais limité intellectuellement,boxeur et patron de bistrot parisien avant-guerre,se démène pour sauver sa peau et celle de ses camarades,mais ce sont plus souvent les évènements qui décident pour lui.Le formidable Maurice Biraud incarne irablement un bourgeois des Yvelines atterri là par désoeuvrement,et Aznavour est également très bon en médecin juif ayant fui la par nécessité.Hardy Krüger a joué un nombre important de soldats allemands dans des films de guerre,et il est parfait en captif plus doué que ses geôliers,vu que c'est le seul militaire de carrière de la bande.Seul l'espagnol German Cobos jure dans le tableau avec son interprétation horriblement fausse du bourrin belliqueux de service,peut-être à cause d'un problème linguistique.