"Dans la guerre, il y a une chose attractive : c'est le défilé de la victoire."
Je n'aime pas les films de guerre. ça m'ennuie profond, les films de guerre. Mais là, c'est pas pareil.
D'abord, Un taxi pour Tobrouk, c'est une histoire familiale. Mon père adore ce film et m'en a transmis le virus. Depuis tout petit, je baigne dans cette ambiance douce-amère, avec cette musique qui reprend Les Anges dans nos campagnes, version marche militaire. Dès les premières notes et cette introduction qui présente chaque personnage, je suis dans mon élément. Comme si je rentrais chez moi, au chaud.
Ensuite, Un taxi pour Tobrouk, ce n'est pas vraiment un vrai film de vraie guerre. Oh, bien sûr, on nous parle de Tobrouk et d'El-Alamein, de Rommel et de son Afrikakorps, bien sûr il y a des bombardements et des coups de mitraillettes, des explosions et des fusillades, des chars et des avions dont on ne sait plus vraiment s'ils sont alliés ou ennemis... Mais l'important n'est pas là.
L'important, c'est que dans un véhicule allemand, on retrouve quatre soldats français et leur "prisonnier" germanique qui font des aller-retours entre Tobrouk et El-Alamein, qui se perdent, qui s'enlisent, qui se font peur, qui boivent, qui font le plein, qui hésitent ou qui prennent des décisions contestables, etc. un taxi pour Tobrouk est un film de personnages. Et ces personnages, on les aime. Pourtant, le scénario ne nous cache pas leurs défauts. Mais ils sont beaux, parfois dérisoires, drôles, tragiques, énervants...
Les dialogues d'Audiard nous aident beaucoup, sur ce coup-là. Le dialoguiste se fait un peu discret mais réussit à la perfection son travail, avec des citations remarquables :
"Je crois, docteur, que l'homme de Néanderthal est en train de nous le mettre dans l'os. Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche."
" Mon cher Ludwig, vous connaissez mal les français. Nous avons le complexe de la liberté, ça date de 89. Nous avons égorgé la moitié de l'Europe au nom de ce principe. Depuis que Napoléon a écrasé la Pologne, nous ne ons pas que quiconque le fasse à notre place. Nous aurions l'impression d'être frustrés."
" C'est mon papa, moi, que je vais retrouver. Actuellement, il est à Vichy mon cher père. Ah ! c'est un homme qui a la légalité dans le sang. Si les Chinois débarquaient, il se ferait mandarin. Si les nègres prenaient le pouvoir, il se mettrait un os dans le nez. Si les Grecs... oui enfin, ons !"
Et puis, quels acteurs ! Lino, Aznavour (vous avez remarqué comment, certains acteurs, on a envie de les appeler par leur prénom, comme une impression d'être familiers avec eux...), et surtout Maurice Biraud, pour qui j'ai toujours eu une grande iration, et qui est ici excellent (une fois de plus) en personnage cynique, revenu de tout et n'attendant plus rien.
Au total, c'est vraiment un film très sympa, présentant forcément la guerre comme une boucherie mais sans trop en faire, sans insister sur un message à délivrer, simplement en montrant la tentative de survie de cinq personnages en plein désert. Avec un gros paradoxe : dans le paysage désertique ouvert à l'infini, mais toujours identique, le cinéaste parvient à faire un huis-clos. Et nos personnages sont placés sous une menace permanente, celle de la guerre bien sûr, mais aussi du climat relativement peu clément dans ce territoire. Un peu comme si on leur donnait le choix entre mourir du fusil ou de la soif.
La menace guerrière est d'autant plus embêtante qu'elle peut venir de n'importe quel bord : quatre Français et un Allemand dans un véhicule allemand, ça constitue une cible pour tout le monde.
La courte durée du film (1h30) permet de maintenir une tension constante. c'est réalisé sans génie inventif mais avec une solide compétence (exactement à l'opposé de cette Nouvelle-Vague qui apparaissait alors, qui voulait tout balayer sur son age et qui cumulait déjà les conneries). Du très bon cinéma des familles.