La Palme d'or était plutôt simple (comme l'accident) à pronostiquer cette année, n'en déplaise à la presse qui beuglait au "Sirat" en boucle sur la Croisette, car côté public, Un Simple Accident était un consensus, un film sympa, plutôt drôle, et au scénario étonnant. Voici donc l'histoire d'un couple qui a un petit accrochage avec son van, dont Monsieur va faire réparer les dégâts chez le garagiste du coin, mais entend un bruit typique qu'il croit reconnaître : celui de la jambe métallique de son bourreau sadique lorsqu'il était enfermé pour raisons politiques (dans un Iran peu enclin aux revendications libertaires). Ni une, ni deux, notre héros embarque l'homme à l'origine de ce bruit, pour l'enterrer vivant dans le désert, mais voilà : l'homme répète ad nauseam qu'il y a erreur sur la personne, ce n'est pas lui, le vilain bourreau sadique. Alors le héros va demander à une copine, elle-même enfermée à l'époque, mais elle doute également, alors on va rajouter un autre copain, puis un autre, et un autre... Très vite, Un Simple Accident ressemble à un Little Miss Sunshine politiquement engagé (avec le van qui réunit un groupe de personnages cocasses qui sillonne l'Iran, et un potentiel macchabée allongé dans le coffre...), très drôle dans ses répliques cyniques, très efficace dans son message anti-dictature, et dont le suspens fonctionne carrément (on se pique au jeu d'essayer de deviner si l'accusé nous mène en bateau - en van, plutôt - depuis le début). La fin est un parti-pris assumé qui scindera les spectateurs en deux camps : les optimistes, qui veulent croire au repentir de la pire personne qui puisse exister (celle qui se complaît à faire le Mal aux hommes, femmes et enfants), et les plus belliqueux, qui veulent appliquer la loi du talion (œil pour œil). Peu importe le camp dans lequel vous vous trouvez, la joie ou la déception que vous éprouverez face à la décision finale vous permet au moins de vous questionner sur le sujet (
jusqu'à quel point cet homme était-il responsable des ordres qu'on lui donnait sous la dictature ? Quelle part son sadisme a-t-il vraiment eu dans les tortures des condamnés ? Avec ce doute sur le fait qu'au final, on a peut-être affaire à un "kapo" moderne, peut-on vraiment l'exécuter sans regret ?
). Un Simple Accident, sous ses airs de comédie cocasse, est un pamphlet acerbe contre la haine et le manque de réflexion (les deux piliers d'une dictature), et nous embarque avec une facilité déconcertante aux côtés de ses personnages tristement drôles, dont on ne peut s'empêcher de s'attacher à leurs malheurs dépeints dans des répliques pourtant hilarantes. Moins "simple" qu'il ne veut bien le laisser paraître, mais tellement facile à suivre et à apprécier, que pour une fois, la Palme d'or s'adresse à tout le monde.