Dans la catégorie des films ferroviaires, Train de nuit fait figure de chef-d’œuvre, hélas oublié par Patrick Brion dans les deux ouvrages qu’il a consacré à ce sous-genre cinématographique. Le réalisateur et son chef-opérateur font preuve d’une extraordinaire virtuosité et d’un remarquable sens du cadrage pour filmer sans temps mort cette histoire qui se déroule presque entièrement dans les espaces confinés d’un wagon-lit. Entre thriller, satire sociale et tragi-comédie existentialiste, l’ambiance tient à la fois de Hitchcock et d’Antonioni, avec en plus un côté grinçant très polonais que l’on retrouvera plus tard dans les premiers films de Roman Polanski. A côté du couple quasi bergmanien excellemment joué par Leon Niemczyk et Lucyna Winnicka, une étonnante galerie de personnages secondaires symbolise les frustrations d’une société sclérosée où la violence peut éclater à chaque instant, comme le montre la formidable scène où les agers déchaînés se lancent à la poursuite d’un assassin présumé que les policiers sont venus débusquer entre deux gares. Une chasse à l’homme glaçante conclue dans un cimetière que n’aurait pas reniée Fritz Lang.