Pour son premier long métrage, la norvégienne Emilie Blichfeldt adapte avec malice la fameuse histoire de Cendrillon, pourvue comme l'on sait, de scènes où s'exprime la cruauté. Cependant la réalisatrice décide - comme le titre du film l'indique - d'avoir pour protagoniste, non pas la plus que célèbre Cendrillon mais une de ses demi-soeurs, Elvira, bien décidée à devenir l'épouse du prince, appuyée en cela par sa mère vénale et impitoyable. Commence alors, pour la jeune femme, une série d'épreuves pour devenir la plus charmante qui soit. Aubaine pour le film qui peut s'enfoncer dans un body horror tranchant et piquant à souhait.
A l'inverse du personnage de Agnès alias Cendrillon dont le caractère à la fois hautain, dévoué, coquin, rebelle ou asservi n'est pas suffisamment clair, subissant trop le poids de ses références, le personnage d'Elvira est une vraie réussite. Par sa naïveté mais aussi par son endurance, Elvira, au fur et à mesure qu'elle "se dégrade" devient de plus en plus touchante. Sa sincérité est empathique. Beauté et monstruosité peuvent s'unir comme dans le meilleur de ce que peut offrir le body horror.
En suivant les déboires de son personnage, le film critique frontalement l'injonction faite aux femmes d'appartenir aux canons esthétiques établis par la norme patriarcale et institutionnelle. En cela The ugly stepsister, comédie excessive, ret le punchy The substance de Coralie Fargeat et surtout l'excellent épisode The outside (revisitant de façon complétement décalé le conte du vilain petit canard) issu du Cabinet de curiosité de Guillermo Del Toro de la formidable Ana Lily Amirpour, réalisatrice de l'intriguant A girl walks home alone at night. Apprécions pour The ugly stepsister, une représentation maline de cette injonction parasitaire
avec la croissance en Elvira, d'un ténia dont l'extirpation buccale donne lieue à une scène mémorable !
En dépit d'un léger abus de très gros plans et de quelques facilités comme la citrouille, le film tente également de jouer avec l'esthétique des films érotiques des années 80, clin d'oeil bienvenu pour dire que le cinéma est loin d'être neutre dans la construction des imaginaires et des fantasmes...