La fenêtre cassée d’une salle de classe. Déserte. Des chaises retournées. Des traces de sang au sol. Un cerf blessé qui agonise dans une salle voisine. Des profs, des élèves et finalement des policiers se rassemblent autour de l’animal blessé. L’un des représentants des forces de l’ordre ordonne aux spectateurs du triste spectacle de s’écarter, afin qu’il mette un terme aux soufs de la bête.
Kevin Phillips a le sens du build-up, de la mise en place. Pour son premier long-métrage, il choisit de placer son histoire dans les années 1990, dans les suburbs, autour d’une bande d’adolescents qui vont commettre un acte aux répercussions imprévisibles. Dès les premiers instants avec ces jeunes garçons, la caméra capte et recueille leur intimité, s’attarde sur les petits détails, des gestes, des regards, donnant vie à Zach, Josh, Charlie, Daryl et Allison. La scène d’introduction, annonciatrice du drame à venir, ne mentait pas. Et le réalisateur sait qu’il ne peut pas épargner le spectateur, qu’il doit lui faire ressentir de plein fouet la violence inouïe de la situation. Ce sera alors le début d’une lente et douloureuse procession vers la paranoïa. Le récit dense et éprouvant de ces ados qui vont devoir apprendre à gérer les conséquences de leurs actes et se retrouver projetés avec force et violence dans tout ce que la vie a de plus sinistre. Le jeune réalisateur ne manque pas de soigner son cadre, son image, le son, afin de déer la simple illustration et faire plonger le spectateur avec lui dans la psychose rampante qui va gagner ces adolescents. Des réminiscences de Donnie Darko se font alors ressentir, comme lors de ces moments d’hallucinations de l’un des jeunes garçons, poursuivi par un cauchemar, bien trop réel pour son esprit encore fragile. Difficile aussi de ne pas penser au Stand by Me de Rob Reiner, avec lequel Super Dark Times partage cette sensibilité à fleur de peau, où l’innocence des garçons s’effacera au de la mort. Le film de Phillips aura aussi su convaincre le jury de la compétition internationale du NIFFF, puisqu’il en repart avec le prix principal, le Narcisse du meilleur film. Reste à espérer que les bonnes critiques sur la toile et les prix qu’il reçoit ci et là offriront au film et au réalisateur la visibilité et la reconnaissance qu’ils méritent. Car il est clair que nous avons ici affaire à un auteur au talent indéniable et dont la fraicheur de ton et la maîtrise de l’outil cinématographique ne sont pas sans rappeler un certain David Robert Mitchell, qui marquait son monde il y a trois ans avec It Follows. Souhaitons que Super Dark Times soit, comme avec The Myth of the American Sleepover chez Mitchell, l’incubateur d’une filmographie à venir audacieuse.
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