Présenté comme un des précurseurs du « poliziotteschi », Société anonyme anti-crime rappelle aussi que la question des milices, notamment formées par des groupes policiers, ne date pas de Magnum force. Cette justice parallèle, qu’on retrouvera également dans toute la vague des « vigilante », est le thème de ce polar italien qui n’a pas encore le ton démesuré de son genre encore en gestation. On est ici davantage dans une ambiance très réaliste servie par une enquête menée par un commissaire respectueux des règles fixées par la justice même s’il les trouve peu en phase avec le contexte social et politique du pays. Steno, par ailleurs, multiplie suffisamment les points de vue pour souligner que le débat est bien plus complexe que certains voulaient bien le dire à l’époque. Policiers, procureur, journalistes, truands, politiques, milice forment autant de points de vue que de nuances. C’est bien vu même si, pris isolément, chaque point de vue est très caricatural.
Film politique autant que policier, Société anonyme anti-crime ne sacrifie pas son intrigue à l’action. Et c’est peut-être regrettable que le film ne soit pas plus nerveux. Bavard, il expose bien les situations mais souffre d’un didactisme souvent maladroit. Ainsi lorsque le commissaire trimbale en bus les journalistes pour leur expliquer le fonctionnement de la rue et de ses pouvoirs, le trait manque franchement de finesse. Trop démonstratif par endroits, le film perd ainsi de son efficacité. C’est le point faible évident du film dans toute sa première partie et dans son final. Ce qui est raconté est vraiment intéressant mais ce n’est pas toujours bien amené.
Voilà un film qui multiplie les paradoxes. S’il évite certaines outrances intrinsèques au genre, ce « poliziotteschi » se perd trop souvent dans le bavardage. Le propos, même s’il est parfois caricatural, est plutôt riche et annonce de nombreuses thématiques qu'on retrouvera aussi bien dans le cinéma européen qu'américain. Les quelques scènes d’action sont bien menées avec deux sympathiques poursuites en voiture et en moto. Porté par une musique bien inspirée, il lui manque sûrement quelques scènes fortes pour emporter totalement l’adhésion. Pas mal mais pas plus.