Pas loin d’être le patient zéro de la Blaxploitation, ce film est, en tout cas, perçu comme une de ses meilleures illustrations. Et à juste titre pourrait-on d’emblée affirmer. Si le résultat ne dée pas le cadre d’une solide série B, le film a le mérite de poser une atmosphère et de s’y tenir avec efficacité. Bien entendu, le scénario n’invente rien mais la description de ce Harlem du début des années 1970 est une franche réussite et la musique d’Isaac Hayes permet une véritable immersion dans ce qui ressemble, sans mauvais jeu de mot, à une variation du film noir. Gordon Parks en reprend en effet les codes avec son détective privé qui se retrouve pris dans une enquête qui pourrait le déer et qui entretient des liens particuliers aussi bien avec son client, la pègre que la police. On y retrouve, par ailleurs, ce ton nonchalant qui éloigne ce Shaft des autres productions du genre. Pas d’escalade ici autour du sexe et de la violence, mais la mise en place d’un jeu d’échec savamment étudié.
On peut, à ce titre, comprendre la déception de certains qui jugent le résultat trop sage et pas assez percutant. On peut, en revanche, opposer la satisfaction d’une œuvre maîtrisée et carrée qui soigne ses personnages et ses dialogues, et qui tend à un certain réalisme. Shaft n’est pas un super-héros et il s’apparente à bon nombre de ses alter-égos détectives. Seul le final (au choix, pas assez nerveux ou trop spectaculaire) éloigne le film de ce ton mesuré choisi par la production. On est ici à mille lieues d’un Superfly ou d’un Black Turner. Ce parti-pris n’empêche pas les maladresses, notamment dans une intrigue qui a tendance en fin de parcours à oublier tous ses personnages secondaires qui faisaient jusque-là avancer l’intrigue.
Culte pour ce qu’il représenta à lsa sortie, Les Nuits rouges de Harlem est un film solide qui n’a pas à rougir de la comparaison avec les autres productions de l’époque, notamment les polars urbains. Il traduit, en outre, une certaine avancée nécessaire dans la société américaine et renvoie dos à dos noirs et blancs, contrairement à bon nombre d’autres films du genre qui péchèrent ensuite pour leur côté caricatural. Ici l’exécution est soignée, le discours pertinent et la plongée dans Harlem réaliste. Rien que pour ces raisons-là, il demeure un film important dans l’histoire du cinéma américain.