Elle s’appelait Rebecca... et elle hante encore
Premier film américain d’Alfred Hitchcock, Rebecca est une œuvre de transition, où le réalisateur conjugue les codes du gothique anglais avec les raffinements du mélodrame hollywoodien. Adapté de Daphne du Maurier, le film est faussement romantique : sous ses atours élégants se cache une mécanique de domination psychologique et de mémoire obsédante.
La mise en scène installe une tension sourde, presque spectrale, autour de la figure absente de Rebecca, dont l’omniprésence envahit l’espace mental de l’héroïne sans nom. Joan Fontaine incarne magistralement l’effacement, la candeur inquiète, face à un Laurence Olivier tourmenté, ambigu. Mais c’est surtout la gouvernante Mrs. Danvers, glaciale et nécrophile, qui incarne la véritable menace, dans une relation quasi vampirique avec la défunte.
Hitchcock déploie une atmosphère oppressante à travers les décors de Manderley, véritable labyrinthe de souvenirs figés, où chaque pièce semble conspirer au maintien d’un é tyrannique. Bien que contraint par les standards de Selznick et du Code Hays, Hitchcock y impose déjà son obsession pour l’identité, la culpabilité, et la manipulation — préfigurant ses grandes œuvres à venir.
Rebecca est moins un simple thriller qu’un conte gothique moderne sur la dépossession de soi, où l’ombre l’emporte toujours sur la lumière.