Gâchette Evans. Ainsi devrait-on surnommer le réalisateur de The Raid 1 et 2 à la découverte de son pétaradant Ravage (Havoc en VO). Mis en boîte fin 2021, le film traînait depuis dans les cartons de la plateforme Netflix qui, insatisfaite du montage final, fini par en ordonner des reshoots. Officiellement retardées par des incompatibilités d’agenda et la grève des scénaristes, ce n’est qu’en juillet en 2024 que ces prises de vues additionnelles furent réalisé par Gareth Evans. Si ces mésaventures sont désormais monnaie courante dans l’industrie cinématographique contemporaine (coucou Marvel Studios !), elles présagent souvent une catastrophe artistique à laquelle était condamnée sur le papier Ravage. La réussite (relative) de ce film apparaît donc comme inespérée. Enchaînant de manière quasi ininterrompue poursuites et fusillades, toutes filmées par une caméra dont les élans hyperactifs sont encadrés par le rigoureux travail de montage effectué par la chef monteuse Sara Jones (également présente sur la série Gangs of London, du même réalisateur), le récit présente un nombre conséquent de personnages aux motivations aussi personnelles que divergentes. Ce qui aurait donc pu être un chaos narratif se révèle là aussi lisible, les archétypes du genre (policier ripoux, politicien corrompu, jeunes délinquants) auxquels le scénario a recours permettant d’identifier le rôle de chaque personnage au sein de cette intrigue simpliste et néanmoins très sérieuse. Cela est d’ailleurs la grande limite de Ravage : face à la conception vidéoludique par Gareth Evans des mouvements (ceux des voitures, peu naturels, dans la longue séquence d’ouverture) et du rapport aux adversaires (les vagues d’ennemis déferlant bêtement sur le héros rappelant ceux d’un mode Survie de FPS), ce polar hard boiled se donne à ressentir comme un divertissement dépourvu de réalité physique et émotionnelle.