Il aura fallu onze ans pour que Gareth Evans revienne au genre qui avait fait sa renommée, celui de la tatane brutale. Assez de temps pour oublier qu’il était bien prometteur, ce gallois derrière le diptyque The Raid dont la parenthèse horrifique Apostle avait peiné à faire sursauter l’encéphalogramme. J’étais donc assez frileux en lançant Havoc, d’autant plus que le sceau Netflix ne gage généralement rien de bon, et que le casting, bien que sympathique, est loin des performances martiales de Iko Uwais et consorts.
Et la première scène, une course poursuite à toute berzingue sur une autoroute dans une image au grain affirmé qui semblait juste couvrir la surabondance de CGI, n’a rien fait pour me rassurer, paraissant bien moindre à la maestria autoroutière de The Raid 2. A croire que filmer en Indonésie coûte moins cher et permet plus de prise de risque pour les équipes techniques et artistiques. De même que la présentation des personnages et des enjeux narratifs, archétypaux et sans profondeur, laissait planer le doute.
Mais de fil en aiguille, l’ambiance a pris le pas. Cette ville anonyme que l’on comprend rapidement être creuset de tous les vices à tôt fait de se poser en terrain propice aux hécatombes en devenir. L’énergie cinétique des bagnoles et l’aspect visqueux jusqu’auboutiste rappellent les élans crapoteux de Sin City, tandis que les choix de lumières, de costumes et de bande-son renvoient à la dystopie cyberpunk. Dans ce contexte, je dis toujours à un Gesaffelstein cradingue pour saupoudrer l’esthétique de l’ultra-violence. Car c’est bien qu’on est là, c’est annoncé par le titre et par l’auteur.
Alors oubliez la finesse et le raffinement respectable du pencak-silat, on fait ici dans le brouillon, le brut de décoffrage, le dropkick tout en poids qui écrase. Une violence improvisée et montrée telle quelle dès le largage d’un lave-linge dans le pare-brise en introduction en adéquation avec la masse trapue et bourrue de Tom Hardy. Mais si les personnages improvisent, ce n’est pas le cas de Gareth Evans qui filme tout cela avec une rare minutie, toujours fluide et jouant de la topographie et des éléments de décors. On pourrait citer John Wick, mais The Raid était là avant. La simplicité des personnages devient alors excusée, en faisant de simples exécutants à l’action, tandis que le scénario timbre n’est là que pour permettre des respirations entre les déferlantes. Et contrairement à The Raid 2, on ne traîne pas la chose sur 2h30.
Bas du front, Havoc l’est. Mais c’est pour mieux charger dans la masse tel un buffle sous stéroïdes. Une débauche régressive qui égrène ses moments de bravoure au décompte des douilles qui n’ont pas le temps de toucher le sol, ou les affrontements à quatre équipes sur deux niveaux sont d’une lisibilité sans faille, et qui ne propose rien de plus, rien de moins, qu’un actionner diablement efficace. Du hard-boiled comme on aimerait en voir plus.