Alors que le cinéma parlant débarque et écrase toute concurrence, Chester Kent, réalisateur de spectacles musicaux, se voit contraint de changer de voie. Il a alors l’idée de créer des prologues, des scènes qui seraient jouées dans les cinémas en premières parties des nouveaux films à succès.
Prologues, film de Lloyd Bacon, est construit avec la formule inverse : le spectacle est à la fin.
- 1- Le film (les coulisses)
En 2015, Inarritu tentait de nous plonger dans l’univers des coulisses de Broadway. Pour cela, il fit appel à un joli choix de mise en scène, avec ce fameux plan séquence. Cela se fit avec quelques lourdeurs, et le côté réaliste et démonstratif laissa plutôt place à la simple recherche de toujours avoir quelque chose à l’écran.
80 ans plus tôt, Footlight Parade démontra pourtant que pour trouver un rythme tel que celui des coulisses, le plan séquence se révèle une des dernières choses à faire. Et il est bien question de rythme ici, pour une œuvre qui l’utilise à la perfection. C’est ainsi l’enchaînement des séquences, avec leurs dialogues, l’histoire, les mouvements, les coupures (ou en bref tout ce que le cinéma a de plus que le fait d’être une caméra qui capte une image) qui viennent donner vie à cet univers dans lequel on s’implique et que l’on comprend. Toute la première partie du film est un incroyable modèle en termes de rythmique.
Il n’y a ni une minute en trop, ni une minute de répit.
Sans être révolutionnaire, incroyable, ou novateur, le récit parvient à être rendu ionnant.
Et soudain vient le moment de souffler.
- 2- Le spectacle (L’Hôtel, La chute d’eau, et Shangaï)
Il vous est peut-être déjà arrivé d’assister à une représentation, un concert, ou même un match, et d’en revenir tout excité, ionné, par ce que vous venez de vivre. Vous avez emporté une caméra avec vous et avez filmé le moment pour l’immortaliser. Puis vous visionnez l’enregistrement et ne vivez plus du tout la même expérience. C’est bien plus fade et moins entraînant. Car ces moments sont faits pour être vécus « en live ».
Il existe un outil qui peut retransmettre les émotions et l’émerveillement d’un tel instant. C’est le cinéma.
A la fin du film, des spectateurs assistent à la représentation sur scène de trois prologues. Ils les applaudissent tous chaudement.
A la fin du film, LE spectateur devant son écran, assiste aux mêmes représentations et pourrait aussi bien les applaudir.
Comment est-ce possible ? Tout est une question de point de vue.
Pendant que les personnages assistent au show théâtral, nous assistons au show cinématographique.
Pourquoi se limiter à un décor, quelques figurants, un angle de vue, quand on est dans le 7e art ? Ce que nous irons alors seraient impossible si nous étions dans le public, mais parvient justement, à nouveau, à nous sortir de notre siège pour nous impliquer dans l’œuvre.
Le mélange du simple et du démesuré devient alors source d’iration.
Deux parties. Deux rythmes.
Rempli d’humour et de bons sentiments, Prologues est un chef d’œuvre de mise en scène et d’esthétisme qui parviendra sans mal à emporter et à laisser baba quiconque prendra un ticket.
Prenez-en un d’ailleurs, ce ne peut être qu’une bonne idée.
« L’idée vous plait ? … Je vous la ferai aimer ! »
Rideau