Sorrentino a probablement toujours été animé par la volonté d’inscrire son art dans la mythologie matrice originelle de toutes les légendes, voire dans le divin.
Dès les premiers plans le cinéaste italien, ancre son propos certes dans l’extravagance (un carrosse venu de Versailles livré par bateaux à la maman de sa future filleule par l’énigmatique commandante), le fabuleux (l’enfant née dans la mer sera nommée Parthénope comme la sirène antique échouée au large de Naples et devenue figure tutélaire de la ville) et comme à son habitude dans la volonté de toucher à l’absolu , (la beauté symbolique de Parthénope devenue adulte, sirène émergeant des flots dans un ralenti à la fois baroque et époustouflant).
Evidemment, « Parthénope « parce qu’il se complait volontairement dans une exploitation jusqu’au-boutiste des concepts Sorrentiniens, surprend même les irateurs les plus rompus à l’esthétisme du bonhomme, car le film ressemble à une longue errance et donne le sentiment de « ne pas dire grand-chose ». Pourtant ce grand livre d’images, dessine ses symboliques en arrière-plan, la beauté, évidemment, comme une promesse de pouvoir, un don de la nature qui permet tout, mais également comme une fatalité lorsqu’elle réduit Parthénope, prisonnière de l’image qu’elle renvoie et du désir qu’elle provoque, à un simple trophée pour certains ou à une sorte de divinité inaccessible pour d’autres.
Les premières années d’adulte de la nymphe sont accompagnées d’une caricature de mise en scène, sorte de chorégraphie permanente du désir de l’insouciance rappelant le cinéma de Guadagnino voire à certains endroits le maniérisme de Dolan : l’image un peu saccadée et ralentie imprime les scènes d’une aura surréaliste et confére un caractère quasi divin aux trois personnages (la belle, Sandro son amoureux et le frère de Parthénope) qui évoluent dans un décor à la beauté éthérée et insouciante. Sorrentino joue avec les effets, étire son propos au risque d’ennuyer, le métrage conservera cette langueur même en convoquant des ressorts plus dramatiques,
la perte d’un frère avec lequel Parthénope entretient des relations ambigües,
et toujours l’impossibilité pour la jeune femme de se soustraire au factice si ce n’est dans son rapport aux hommes plus âgés , son professeur ("Parthé" est une brillante anthropologue) ou plus tard, l’évêque, homme au physique disgracieux, mais honnête
avec lequel elle rejouera une partition rappelant « la belle et la bête ».
La seconde partie est plus amère également, Sorrentino dépeint la maturité dans une mise en scène plus classique, (mais toujours d'une folle élégance), Naples, comme une ombre de plus en plus envahissante, s’impose en miroir des émotions des personnages, « ville qui se dée et qui explose, constamment confrontée à l’incroyable »,
un peu à l’image de son héroïne, qui finira par trouver l’apaisement au cœur de ses rues bruyantes