Avec Madre, Rodrigo Sorogoyen propose une œuvre qui va nous sortir d'une zone de confort, qui bouscule par sa capacité à troubler, par le biais d'une quête obsessionnelle mais nécessaire et d'une rencontre perturbante.
Les premières minutes sont glaçantes et sous tension (constituant un court-métrage conçu bien avant le film et primé) avant une rupture de ton et une suite marquée par l'installation d'une relation de plus en plus étrange, parfois perturbante, et qui ne laisse jamais de marbre. Le cinéaste espagnol prend son temps pour créer cette atmosphère étrange et dépeindre deux personnages semblant d'abord opposés mais qui vont se retrouver, par le biais de deux quêtes opposées.
Sorogoyen s'attache vraiment à la relation mère / ado, et à travers eux, étudie deux parcours différents, faire le deuil chez l'une et la découverte d'une ion inédite et adolescente pour lui. Ce dernier est intrigant car il n'est jamais mené en bateau, et dès le début conscient de ce qu'il se e. Plus le temps e, plus ils vont être rattrapés par la réalité et ne pourront plus faire comme s'ils étaient simplement dans une bulle, et cela, le cinéaste le maitrise. Il instaure une certaine tension psychologique qui va prendre la place de la rencontre naïve, et montre bien la montée en puissance des éléments extérieurs qui vont devenir insoutenables pour les deux protagonistes.
Il y a bien des éléments moins pertinents ou réussis, comme certains personnages trop enfermés dans une caricature, des pistes peu ou pas abouties ou des séquences où tout ne fonctionne pas forcément, mais ce n'est guère préjudiciable par rapport à l'ambiance générale. Marta Nieto est fascinante et sublimée par la caméra de Sorogoyen, qui n'hésite pas à de nombreuses métaphores, se montrant parfois techniquement remarquable, avec le plan-séquence d'ouverture ou des plans larges de la mer, ou d'autres fois plus poseur, sans que ce soit pour autant dérangeant.
Plus un drame psychologique qu'un thriller, Madre permet à Rodrigo Sorogoyen de proposer une œuvre dérangeante et particulière, et dont les quelques erreurs sont pardonnables face à l'atmosphère troublante mise en scène, les tensions psychologiques imposantes ou de parfaits comédiens, Marta Nieto en tête.