Le réalisateur Serge Bozon a eut l'audace de choisir Isabelle Huppert pour son exceptionnel talent à endosser les rôles les plus divers. Les plus glauques. Les plus osés. Arborant parfois sous une surface glacée un être machiavélique comme dans "Merci pour le chocolat" de Chabrol ou "Elle" de Verhoeven.
Il y a ajouté Romain Duris, acteur de même calibre.
Et le troisième, José Garcia, capable de jouer aussi bien un benêt drôlatique qu'un tueur de sang froid comme dans "Le couperet" de Costa-Gavras.
Et ?
Et puis, pas grand chose à la sortie. A vouloir jongler entre satire sociale, humour bon enfant ponctué de quelques poncifs, parfois acerbes sur l'enseignement, les enseignants et les lycéens de banlieue, je trouve que le réalisateur n'a pas su choisir la voie à prendre.
Car enfin ?
Je suis restée sur ma faim. Une frustration impalpable, une déception devant ce qui aurait pu être un VRAI film fantastique, un peu malsain, troué de fulgurances humoristiques.
En , nous avons décidément peur de frapper fort dans le fantastique et l'épouvante parsemés d'un peu d'humour (à froid de préférence).
Et j'ai pensé à des films comme "Morse" de Tomas Alfredson (Suède 2008), à "The strangers" de Na Hong-jin (Corée du sud 2016) ou même à "Sound of noise" de Ola Simonsson (Suède 2010) ou même des films dans la veine de "It follows", pourquoi pas ?
Il manque à Madame Géquil ce trait qui la transformerait vraiment en monstre, peut-être attirant, mais terrifiant : Madame Hyde. Je l'aurais voulu plus déjantée devant ses élèves, plus encline à une violence latente allant grandissant, ressentie par son entourage.
J'aurais voulu Romain Duris plus dérangé devant son enseignante, plus déstabilisé, que son personnage soit plus complexe et enfin que le mari José Garcia soit plus "brut de décoffrage", capable d'une vraie terreur et d'une vraie colère.
C'est un film agréable mais lisse. Qui commence tout juste à glisser vers une aura plus sombre seulement à la fin.
C'est bien de faire jouer et chanter des jeunes des banlieues, d'éviter de faire dans le Bisounours sur ces quartiers.
Mais nous restons en surface. On ne plonge pas dans la complexité noire de la version initiale (librement inspirée certes) de "docteur Jekyll et Mister Hyde".
Un bon point pour un acteur que je ne connaissais pas, et dont la fragilité touche et montre, comme une image inversée, le lent effondrement de l'enseignante foudroyée : Guillaume Verdier, "le stagiaire".
Quant aux images, elles sont volontairement banales, ce qui aurait pu aider à nous projeter dans une "réalité" plus décalée, le choix de la maison de l'enseignante est bien choisie, comme une cachette verdoyante et crépusculaire que surplombent les inquiétantes barres d'immeubles.
Il y avait de la matière.
Il y eut beaucoup de timidité.