Le roman de Joseph Conrad, avec son thème de la rédemption et du rachat fondé sur la quête expiatoire d'un homme hanté par son acte de lâcheté, avait tout pour séduire un réalisateur comme Richard Brooks, cinéaste humaniste qui aime défendre la dignité de l'individu et la liberté dans des films comme Graine de violence, les Professionnels ou Bas les masques. Sous couvert d'un grand film d'aventures spectaculaires, Lord Jim est avant tout le portrait parfois complexe du destin d'un homme qui a fui par panique et à qui la vie offre une seconde chance. Brooks parvient à traduire cet aspect, mais il le fait avec quelques lourdeurs et des longueurs ; c'est un beau film, un grand film mais un peu trop long, qui par endroits prend des détours qui auraient pu être évités, le ton est trop mélancolique et surtout trop mystique pour vraiment séduire à 100%, au bout d'un moment, la lassitude s'installe.
Mais c'est un film qu'il faut quand même voir, ne serait-ce que pour son ambiance à l'exotisme fiévreux, sa superbe photographie, sa musique envoûtante due à Bronislau Kaper, et son casting énorme où l'on trouve Curd Jurgens, James Mason, Eli Wallach, Jack Hawkins, Akim Tamiroff... et bien sûr Peter O'Toole encore auréolé de son rôle mythique dans Lawrence d'Arabie. Il y a entre ces 2 personnages de Lawrence et de Jim le même genre de mysticisme, le même dévouement pour une communauté d'une autre race, un esprit de sacrifice, une sorte de lumière intérieure qui ravage l'âme et force à se déer, c'est encore un rôle magique pour l'Irlandais, une autre belle rencontre entre une star et un personnage fascinant. Pourtant, malgré ces qualités, mais aussi sans doute à cause de ces petits défauts que j'évoque, le film fut très mal accueilli à sa sortie et laminé par la critique, je crois que même James Mason l'a renié en disant que ça pouvait porter préjudice à sa carrière. Il faut donc comme à Jim, lui donner une seconde chance.