"Relatos Salvajes", en compétition officielle à Cannes, est une surprise assez déroutante...et franchement jubilatoire. J'ai eu la chance de faire partie des premières personnes à pouvoir le voir, et en rentrant dans l'immense salle du Palais des Festivals je ne savais absolument pas à quoi m'attendre.
Dès la fin de la première scène, déjà, dans un élan d'euphorie générale, applaudissements frénétiques. En effet, Szifran donne le ton avec un début de film complètement décalé, basé sur une coïncidence improbable autour d'un même personnage, dans un avion sur le point de se crasher. Puis lorsqu'une deuxième histoire débute, on comprend le principe de ce film qui s'articule en fait sous la forme de mini-histoires, dont le point commun est le suivant: céder à ses pulsions, s'abandonner librement au pétage de plombs, pour le pire et parfois le meilleur.
Mais en fait, que ces 6 mini-histoires finissent bien ou mal, là n'est pas la question: Szifran, avec un humour noir ravageur, s'intéresse là aux conséquences que pourrait engendrer un total abandon de soi, tout en dressant un portrait sévère de la Société, où subsister en tant qu'individu relève du parcours du combattant. Malgré quelques séquences à l'intensité dramatique relativement déployée, ce film provoque bon nombre de fous rires aussi francs qu'incrédules face à ces situations rocambolesques. La séquence finale du mariage, incroyablement ébouriffante et marquée par une scène nocturne splendide en haut d'un toit, résume à elle seule les principaux aspects du film puisque s'y mêlent humour décapant, satire de la société, émotion et violence.
"Relatos Salvajes" porte donc bien son nom: ces personnages, presque mi-hommes mi-bêtes, cèdent chacun à leur manière à leurs pulsions souvent mortifères mais aussi terriblement salvatrices. On sort de ce film rassasié, malgré ses indéniables inégalités qui ne suffisent pas cependant à entacher une impression finale plus que positive.
Ce film original et peu "formaté" pour le festival de Cannes ne repartira probablement pas avec les honneurs du jury mais il aura au moins eu le mérite de proposer un spectacle des plus novateurs, après un Winter Sleep apparemment plutôt assommant.
Reste maintenant à savoir qui de Leigh, Loach, Dardenne, Godard, Ceylan, Hazanavicius, Dolan (rêvons !) ou encore Cronenberg repartira avec la fameuse palmichette...mais Szifron, en tout cas, a remporté un pari de taille: séduire, en ce samedi 17 mai, la quasi-totalité du public.