Bien que je n'aie pas lu la pièce d'Octave Mirbeau, je devine la virulence de la satire contre certains personnages et certaines pratiques de la Troisième République. Quarante plus tard, son sujet est remis au goût du jour, anti-républicain, de l'idéologie pétainiste.
Dans un film visiblement raccourci, revu et corrigé, notamment la fin (vite expédiée, pathétique et franchement ratée), Isidore Lechat est ce directeur de journal influent et fortuné qui concentre sur lui tellement de tares qu'il en devient grossièrement caricatural. Sentiment renforcé par l'unité de temps, comme dans la pièce. Charles Vanel prête ses traits à ce parvenu impitoyable et cynique -les affaires sont les affaires- corrupteur et avide. Et j'en e. Vanel a-t-il été aussi odieux au cinéma?
L'adaptation ne manque pas d'affubler le caractère de Lechat des idées vichystes dans l'air du temps, si bien qu'Isidore se voit reprocher aussi d'être mauvais père, de dénigrer la terre et les paysans, de mépriser le peuple et d'empêcher la natalité...Rhabillé pour la journée Isidore!
Ce méchant et injurieux personnage -sorte de Monsieur Jourdain dans l'ignominie- pourrait faire l'objet d'une farce. Mais le film de Jean Dréville, plutôt médiocre quand on fait abstraction du contexte historique, est si formaté que la comédie en trois actes de Mirbeau devient une démonstration de hargne sans la moindre fantaisie.