Dans le film de genre, il y a plusieurs étapes entre la série A et la série Z. Entre le gros budget et le nanard. Sans vouloir détailler les 26 étapes – ce qui nécessiterait un niveau de cinéphilie quasi-Tarantinien, je placerais Lemming aux environs de la série S.
A l'époque où je regardais encore la télé, on pouvait voir en seconde partie de soirée sur M6 (souvent le samedi) des téléfilms fantastiques américains 'de genre', fabriqués au kilomètre de pellicule. Un début avec des personnages de tous les jours, et puis une histoire qui bascule progressivement dans le surnaturel. Pas mal de scènes nocturnes, le personnage avance lentement dans le couloir, son visage est inquiet, la musique fait monter la tension ; le personnage avance lentement, le couloir est sombre, l'action se dilate, le personnage est toujours inquiet, la caméra se rapproche de lui, le bord du cadre est dans les ténèbres, il avance lentement, gros plan sur la poignée de la porte, il va l'ouvrir, plan sur le visage, la musique monte crescendo, le personnage tourne la poignée et TZING ! Coupure de pub.
Ben le scénario de Lemming, c'est de ce niveau. Un peu de fantastique (possession par fantôme très 70's), une explication finale, quelques idées débiles ou mal exploitées (la caméra-gadget, le lemming), un début et une fin massacrés à la voix off (quand après environ 40s de film la voix off de Laurent Lucas conclut sa présentation gonflante et superflue et par un très sérieux 'c'est alors que les choses ont commencé à aller mal', j'ai moi aussi compris que c'était franchement mal parti pour ma soirée). Les acteurs sont lamentables. Charlotte Rampling, que l'on sait capable du meilleur, touche ici le fond avec un regard permanent de cocker drogué. Laurent Lucas, toujours constant dans sa façon de jouer depuis Harry, n'est crédible ni comme ingénieur, ni comme mari, ni comme cocu. André Dussolier cachetonne. Reste Charlotte Gainsbourg, qui s'en sort bien et profite du seul rôle intéressant du film pour une composition – caméléon un peu à l'américaine.
Voilà, encore un film attendu qui se révèle une grosse déception. Avant on croyait que les lemmings se suicidaient en masse dans l'océan ; maintenant, on sait qu'ils sont juste trop cons pour savoir qu'ils vont se noyer.