Je ne vais pas m'étendre ici sur évidentes qualités du film, son réalisme, son casting, la fluidité insolente de sa mise en scène et tout un tas de petites choses qui font les grands films.
Je voudrais plutôt mettre en lumière un élément important, essentiel même pour Becker (et pour moi au age). Cet élément c'est la fidélité, alors pourquoi cette dernière est si importante pour Becker en général et dans ce film en particulier ?
Si vous êtes familier du cinéma de Jacques Becker, sans doute avez vous remarqué que dans tous (du moins ceux que j'ai vu) ses films la question de la fidélité tient une place prépondérante. Il y a ceux qui ne parlent que de ça, le sublime Casque d'or ou encore le magnifique Touchez pas au grisbi et ceux ou c'est plus en pointillé comme Antoine et Antoinette ou Les Amants de Montparnasse. Tout ça pour en venir où ?
Chacun de ces films montrent la fidélité comme valeur cardinale malgré les sacrifices que cela peut occasionner. On sent chez le cinéaste un besoin viscérale de partager ce qu'il considérait comme primordial.
ATTENTION JE VAIS SPOILER SEC
En partant de là, que dire de son dernier et formidable film, qui encore une fois ne parle que de fidélité, mais, qui se finit par une trahison. Et oui, Becker choisit de terminer son œuvre par une antithèse, en apparence du moins.
Rétrospectivement on peut aussi dire que Becker n'en était pas à son coup d'essai, puisque dans Casque d'or la loyauté (pour changer un peu de terme) conduisait à la mort, et dans Touchez pas au grisbi, Gabin perdait tout. Voilà peut être le constat de Becker au bout de sa vie, être fidèle (aux principes comme aux gens mais cela va de pair) coûte cher, pourtant sans cela impossible de rester digne. Quelle leçon tirer de ce choix final, évidemment à la fin du film on plaint Gaspard, Becker a tout fait pour que l'on ne lui jette pas la pierre. Il y a cette ultime et fabuleuse réplique, "Pauvre Gaspard", car oui, c'est bien dans l'esprit de Becker, Gaspard qui va le plus souffrir de ce choix.
Le spectateur lui, est resté malgré tout du coté des trahis et c'est peut être bien là l'ultime saillie de Becker, un homme sort libre mais la tête basse et les autres, sont nus avec des fers aux pieds, mais droits dans leurs bottes.
On assiste en direct aux testament d'un grand cinéaste, et c'est beau.