Film de prison d’un réalisme opaque, « Le Trou » de Jacques Becker raconte l’histoire d’une bande de prisonniers qui vont tenter de s’échapper d’une prison de Paris. Ce récit intense sait parfaitement jauger son suspense. Jacques Becker choisit de raconter cette histoire dans le plus simple appareil, d’une manière la plus aride possible. Les personnages sont liés par des dialogues qui vont à l’essentiel, qui arrivent à caractériser à merveille chacun d’entre eux sans rentrer dans les caricatures habituelles du genre cinématographique à l’image des gardiens de prison qui ne sont pas les sempiternels tortionnaires que l’on peut connaitre.
La hiérarchie est là, présente, montrée de façon sèche, mais avec intelligence et justesse. Certains pourront peut-être reprocher à Jacques Becker son sens de la diplomatie, un certain humanisme froid, qui montre cette bande de prisonniers sans nous en dire plus sur le pourquoi du comment de leur arrivée en prison, excepté Claude Gaspard qui se retrouve sous les barreaux pour avoir tiré sur sa femme. Comme si le réalisateur avait de lui-même expié leurs fautes. On sait qu’ils iront aux assises, mais pourquoi ? Suite à ce minimalisme et naturalisme dans le point de départ de son histoire, Jacques Becker nous permet de rentrer en empathie avec ce groupe où solidarité, amitié virile et code d’honneur seront les thématiques au cœur d’un film à la méticulosité visuelle et narrative infaillible.
Ici, nous ne sommes pas dans Prison Break, aucun rebondissement fracassant ne va les amener à la liberté. « Le trou » est un film stakhanoviste, où la notion du temps sera décompté avec du sable, de jours en jours, nuits après nuits, ils vont s’aider de cartons, de métal, de fer, de choses rudimentaires qui vont les pousser à s’entraider et à faire preuve d’une minutie d’orfèvre dans l’engrenage de leur plan. Symbole de cette débrouillardise, ce périscope fait à partir d’une brosse à dent, qui donnera vie à une scène finale majestueuse.
Jacques Becker repose son récit sur l’élaboration du plan qui pourrait les amener à la liberté et c’est grâce à un sens du rythme, un sens du cadre et de la captation de l’espace carcéral avec la caméra que Jacques Becker nous fascine. Le noir et blanc, le grain un peu acre de l’image, le charisme de ses « gueules », font que « Le Trou » est un long métrage fascinant à voir et à contempler. A l’image de ses personnages, Jacques Becker ne fait pas dans l’esbroufe esthétique, pose sa caméra sans fioritures, offre une fable sur la malchance à l’ironie noire qui nous imprégnera jusqu’aux dernières images du film à la dramaturgie intense.