Dernier film de Jacques Becker, l'auteur du célèbre Casque D'Or, Le Trou était considéré par Jean-Pierre Melville, ni plus ni moins, comme le plus grand film de l'histoire du cinéma français.
Même si le temps a é depuis, ce huis-clos carcéral magistral garde encore aujourd'hui toute son efficacité. Adapté du premier roman de José Giovanni, inspiré de sa propre expérience en prison, Le Trou est un remarquable film à la tension de tous les instants, imprégné d'une ambiance lourde et palpable dans quasiment chaque plan, ce film d'évasion soutien aisément la comparaison avec n'importe quel équivalent américain, a qui il aura probablement servi de modèle par la suite.
Apparemment inspiré par le film de Robert Bresson, Un Condamné à mort s'est échappé, dont Becker souhaitait répondre à sa façon, ce thriller à l'ambiance feutrée et au suspense incroyablement bien distillé est aussi avant tout un film sur la vie de groupe en milieu isolé. Quand on dort à 5 dans une cellule étriquée, ça crée forcément des liens. Même si la vision du taulard ayant le sens des valeurs et de l'honneur est un peu idéalisée et que les liens avec le petit nouveau sont un peu trop rapidement tissés, le film ne s'en trouve jamais affaibli et garde tout son potentiel et sa force de frappe.
Servi par un casting impeccable dans lequel on reconnaît aisément Michel Constantin et Philippe Leroy, deux figures incontournables du polar à l'européenne, le premier s'illustrera chez Verneuil et Lautner entre autres, et le second sera l'une des figures de proue du polar transalpin notamment, et tournera chez Fernando Di Leo et Umberto Lenzi. A noter la présence de Jean Kéraudy dans le rôle du débrouillard Roland qui interpréta ici son unique rôle pour le cinéma, qui pour sa part transfigure sa propre histoire car il fût en réalité l'un des 5 de la Santé. C'est d’ailleurs lui qui ouvre le film en rendant hommage au réalisateur.
Ce film marque clairement par sa maîtrise de tous les instants, son incroyable capacité à créer de la tension, ses idées de mise en scène et son utilisation des contrastes noirs et blancs digne du film-noir ça aurait pu être réalisé par un Raoul Walsh ou un Michael Curtiz qu'on en aurait pas vu la différence.
Doublé d'une grande clairvoyance dans les rapports des taulards entre eux et d'une magistrale leçon de cinéma viscéral à la mise en scène d'orfèvre, Le Trou est probablement l'une des réussites majeures du genre au-delà des frontières. Une véritable leçon de cinéma orchestrée par un maître en la matière.