Cet ultime film de Mankiewicz s'appuie sur une pièce d'Anthony Shaffer, on en ressent l'aspect théâtral, mais ça n'est pas du tout gênant car il n'y a pas ce côté factice qu'on éprouve parfois au théâtre, et la mise en scène est d'une telle virtuosité qu'elle évite le sentiment de théâtre filmé.
C'est une subtile et éblouissante variation psychologique, un duel diabolique, un terrible jeu du chat et de la souris dans un somptueux manoir anglais, une analyse de la manipulation qui permet à Mankiewicz d'aborder le choc des classes sociales en opposant l'aristocratique et xénophobe britannique Andrew Wyke (Laurence Olivier) à l'immigré italien parvenu Milo Tindle (Michael Caine). La façon de typer ces 2 personnages tout en détruisant par des déguisements et une vertigineuse succession de retournements de situation, ce que le réalisateur a mis en place, crée un jeu de miroirs stupéfiant, une dimension à la rigueur mathématique, une joute implacable entre 2 antagonistes aussi rusés l'un que l'autre. Une joute drôle mais cinglante et cruelle, avec le plaisir pervers et raffiné de la domination intellectuelle.
Le film repose sur la confrontation de 2 immenses acteurs, car ils ne sont que 2 ; le générique qui comportait 6 noms d'interprètes, était un leurre destiné à égarer le spectateur. Tous deux rivalisent de brio dans ce jeu intellectuel et criminel de 2 mondes opposés, où le vrai et le faux se confondent.
Rarement Mankiewicz est allé aussi loin dans l'épure dramatique, renonçant volontairement aux actions extérieures, et utilisant le formidable décor crée par Ken Adam (directeur artistique des James Bond) ; il cerne ainsi ses 2 personnages qu'il manipule comme des marionnettes, et en clin d'oeil, le décor est d'ailleurs truffé d'automates.
Un film à ne pas manquer, qui déroute, captive et laisse finalement pantois.