Le Hobbit 2 ou l'écrasement partiel de l'oeuvre de Tolkien
Très tôt, les détracteurs de Peter Jackson l’ont accusé de détourner « Le Hobbit », conte pour enfants de J.R.R. Tolkien, en une entreprise commerciale qui avait peu ou prou à voir avec l’œuvre littéraire originale. Le choix de la trilogie contribua largement à alimenter les critiques car tirer du « Hobbit » un matériel cinématographique aussi conséquent que « Le Seigneur des Anneaux » paraissait quelque peu démesuré.
Le premier volet, « Un voyage inattendu », avait été l’odyssée épique et onirique espérée où tout l’imaginaire tolkienien, du bestiaire aux paysages de la Terre du Milieu, garantissait au spectateur un long moment d’enchantement visuel et sonore. La remarquable prestation de Martin Freeman (Bilbo) finissait même par masquer les quelques défauts décelables ici ou là. Peter Jackson avait réussi à faire taire ses opposants en démontrant la pertinence cinématographique et narrative de la trilogie.
Avec ce deuxième opus, « La désolation de Smaug », nous sommes en droit de réviser notre jugement. Long et parfois bavard - il suffit, pour s’en rendre compte, de se pencher sur les dialogues du dragon Smaug -, le film étire maladroitement les intrigues. Pour les connaisseurs du livre, le film ne reprend que la courte trame scénaristique qui va de la rencontre avec Beorn jusqu’à l’arrivée à la Montagne Solitaire (Erebor) et au premier affrontement, interrompu, avec Smaug.
Pire encore, les intrigues « made in Jackson » avec notamment l’Elfe Tauriel ou les péripéties de Gandalf et Radagast face à Sauron paraissent empruntées. Evangeline Lily ne démérite pas en Tauriel mais le triangle amoureux qu’elle forme avec Legolas et le nain Kili aurait été plus intéressant si le premier n’avait pas le charisme d’une huitre avariée et si le second n’avait pas l’état d’esprit d’un doux rêveur adolescent - cette perception étant accentuée par les effets kitch dans la réalisation de Peter Jackson lors des rares scènes entre Tauriel et Kili (cf. la scène de guérison) -. Quant aux aventures de Gandalf à Dol Goldur, si la réalisation est magistrale, nous sentons bien que ces scènes n’existent que dans le but de relier « le Hobbit » au « Seigneur des Anneaux ». Cette tentative de coudre un fil narratif entre les deux sagas apparaît totalement artificielle.
Cependant, tout n’est pas noir. La scène des tonneaux est une prouesse visuelle et rétablit l’esprit tolkienien dans le film de même que le dragon Smaug qui est une véritable démonstration technologique et technique. En outre, le casting est toujours aussi bon : Martin Freeman campe encore avec brio Bilbo tandis qu’Ian McKellen interprète une nouvelle fois Gandalf duquel il restera associé à tout jamais. Benedict Cumberbatch (Smaug), Richard Armitage (Thorin), Lee Pace (Thranduil) ou Evangeline Lilly (Tauriel) assument quant à eux leur rôle avec réussite.
Par ailleurs, nous ne pourrons nier que, pour les fans, replonger en Terre du Milieu est un plaisir incommensurable qui promet une aventure tout de même plaisante et réussie. Raté, ce deuxième opus ne l’est bien évidemment pas mais les explications de Peter Jackson qui justifiaient le choix de la trilogie pour des motifs narratifs et non commerciaux ne sont assurément plus défendables. Le troisième opus devra être d’un tout autre acabit pour que la trilogie du « Hobbit » gagne ses galons dans l’histoire du cinéma au même titre que le triptyque du « Seigneur des Anneaux ».