Farce terminale et théâtre du vide
Avec Le Deuxième Acte, Quentin Dupieux poursuit sa déconstruction jubilatoire des conventions narratives, mais pousse ici son système jusqu’à une forme d’épuisement autoréflexif. Le film, huis clos déguisé en mise en abyme cinématographique, fait mine de raconter une bluette provinciale tout en la dynamitant de l’intérieur à coups de ruptures de ton, d’aveux méta et de dialogues volontairement dissonants. On y parle (beaucoup) de cinéma, de morale, de jeu et de vide — jusqu’à saturation.
Sur le papier, la mécanique est brillante : quatre acteurs (dont un Vincent Lindon très conscient de son propre statut) rejouent sans fin les imes du discours contemporain — wokisme, désenchantement amoureux, écologie feinte, posture d’acteur — dans un dispositif faussement théâtral, cyniquement absurde. Dupieux joue de l’illusion comme d’un artefact creux, où chaque ligne de dialogue désamorce la précédente.
Mais c’est justement cette brillance qui fatigue : à force de démonter le théâtre des apparences, le film finit par ne plus rien proposer d’autre que sa propre ironie. La mise en scène, fonctionnelle, se met au service du concept, et l’émotion, absente, est remplacée par une lucidité presque clinique. Ce "deuxième acte" est peut-être celui d’un auteur confronté à la limite de son dispositif — et qui choisit d’en rire, une dernière fois, sans chercher l’issue.
Reste une œuvre sèche, grinçante, parfois jubilatoire dans ses pointes acides, mais qui frôle l’autocaricature. Un Dupieux terminal : plus lucide que ludique.