Des lettres anonymes circulent qui accusent le docteur Germain (Pierre Fresnay) d'être un avorteur. Bientôt de nombreuses autres lettres, bien informées, se propagent dans le village, n'épargnant aucun de ses notables dont les turpitudes sont dénoncées.
Ce fait divers provincial aurait pu faire l'objet d'une anecdotique intrigue policière concluant par l'identité révélée du mystérieux et malveillant corbeau. Mais, si la découverte de l'anonymographe, comme il est nommé, n'est pas indifférente, c'est la brutalité et la noirceur de l'étude de moeurs, son ironie aussi, qui caractérisent le film de Clouzot tout autant qu'elles identifient, désormais, un film de Clouzot. Dans un village bientôt livré au soupçon généralisé et à la vindicte, les lettres du corbeau et les personnages stigmatisent les tourments et les secrets, sordides ou pas, des habitants, et du genre humain par extension suivant le désillusionnement du cinéaste, à qui on reprocha de donner une image désespérante de la et des Français au moment-même où le régime de Vichy visait au redressement moral de la population.
Clouzot ne souhaite pas tant accabler ses concitoyens que de dénoncer l'hypocrisie sociale et infirmer une idée manichéenne de la nature humaine. Il n'est pas de bons et de méchants, juste des êtres ambivalents, comme devra le concéder lui-même l'intransigeant et ombrageux docteur Germain (un personnage peu courant pour l'époque par sa brusquerie) après une jolie et imagée leçon philosophique dispensée par son confrère Vorzet (Pierre Larquey)
Fresnay est entouré de nombreux seconds rôles, parmi lesquels une vamp nymphomane et une adolescente insolente et curieuse, qui illustrent tous, sexualité comprise (pas fréquent non plus pour l'époque), nos vicissitudes.