Plus ou moins persona non grata à Hollywood et dans les cercles bien-pensants depuis une poignée de dérapages outrageusement médiatisés, le comédien Mel Gibson est une personnalité complexe et difficile à saisir mais ô combien talentueuse derrière une caméra et un acteur capable du meilleur quand on lui offre l'occasion, comme c'est le cas ici avec "The beaver", troisième réalisation de son amie Jodie Foster.
Bien qu'ayant été d'abord proposé à Jim Carrey et à Steve Carrell, le rôle que tient ici Gibson semble avoir été écrit pour lui, tant les ressemblances entre son personnage et lui-même sont troublantes, les névroses du héros dépressif renvoyant directement à celles de la star de "L'arme fatale" (les conflits suggérés avec le père), transformant le film de Foster en une sorte de thérapie de choc à destination de l'acteur.
Constamment sur la brèche et d'une émotion à fleur de peau, Gibson est l'atout majeur du film, parvenant avec l'énergie du désespoir à toucher profondément le spectateur, se dépatouillant magistralement avec un rôle extrêmement casse-gueule, tout à la fois touchant, horripilant, drôle et sacrément effrayant.
Les autres protagonistes gravitant autour de Gibson ne sont pas en reste et bénéficient d'une écriture soignée jusque dans les plus petits seconds rôles, qu'il s'agisse de l'épouse (émouvante Jodie Foster), du fils (Anton Yelchin, impeccable) et même de la petite amie de ce dernier, rôle qui aurait pu être ingrat mais ici parfaitement défini et campé par la choucarde Jennifer Lawrence.
Loin d'être un simple mélo larmoyant en manque d'oscars, "The beaver" est au contraire une fable étonnamment sombre où l'on rit jaune, où l'on souffre constamment avec les personnages, devenant même effrayante lorsque le héros sombre petit à petit dans la schizophrénie, le castor, d'abord drôle et thérapeutique, absorbant insidieusement sa personnalité. Un petit film court mais émouvant et délicat, qui doit beaucoup à l'abandon total de sa tête d'affiche.