Quiconque évoque Michel Leclerc se réfère immédiatement à La nom des gens, en oubliant qu'il est aussi, entre autres, l'auteur de l'hirsute Télé Gaucho. La lutte des classes est en quelque sorte son héritier, des années plus tard, en montrant que les rebelles vieillissent aussi et ont de plus en plus de mal à conformer leurs actes à leurs idéaux de jeunesse auxquels ils restent peu ou prou attachés. C'est évidemment ce décalage, et partant cette mauvaise foi incessante qui amuse dans le film, incarné par l'ébouriffant Edouard Baer, inspiré comme jamais dans ce rôle de vieux batteur punk, tourmenteur papal (sic) dans le é, dont on devine les soufs morales à devoir choisir entre l'école publique ou privée pour son fils. L'un des regrets, tout de même, est que le scénario néglige un peu le personnage de Leïla Bekhti au profit de celui de Baer mais avouons également que le duo d'acteurs est savoureux, s'épanouissant dans les désaccords autant que dans les convergences. Pour le reste La lutte des classes oscille entre une certaine cruauté envers les moralisateurs de tous poils, ceux qui déroulent un prêt-à-penser en toutes circonstances, et une bienveillance à l'endroit de la mixité sociale tout en prenant à revers des préjugés bien ancrés. Libre à certains de voir le film abonder en clichés, il a surtout, derrière un aspect débraillé et parfois brouillon, finalement sympathique, des accents généreux derrière la franche caricature.