Un témoignage âpre et bouleversant sur l'Holocauste, réalisé par le spécialiste du cinéma d'évasion, immédiatement après Jurassic Park ; c'est justement ce paradoxe qui surprend chez Spielberg, qu'on connait plus sous l'étiquette d'un réalisateur de films-spectacle à dépeindre des monstres ou des horreurs fictives. Mais n'oublions pas qu'il a déjà abordé des sujets plus graves avec Empire du soleil ou la Couleur pourpre. Ici, il dépeint un cauchemar bien réel.
Avec un style quasi documentaire, accentué par la photo en noir & blanc de Janusz Kaminski, Spielberg reconstitue l'histoire authentique de cet industriel allemand qui sauva 1100 juifs de la mort, et signe le film de sa vie, après 11 ans d'hésitation. Le sujet douloureux , sa gravité et quelques scènes qui tirent un peu en longueur m'empêchent de mieux le noter, mais je respecte ce travail, c'est un grand film, récompensé par 7 Oscars, qui permet à Liam Neeson d'accéder à un niveau supérieur alors qu'il avait tourné jusqu'ici des films peu importants, et qui fit découvrir Ralph Fiennes dans ce rôle étonnant d'officier allemand. La musique de John Williams délaisse les cuivres ronflants et trouve un rythme discret et mélancolique qui sert irablement le film, même si sa partition n'est pas pour moi parmi ses meilleures.
Ce qui est intéressant, c'est qu'après tant de films sur le nazisme réalisés par d'autres, et même un feuilleton célèbre (Holocauste) qui a osé en 1978 aborder le sujet à la télévision, Spielberg réussit à faire une oeuvre forte et bouleversante. C'est aussi justement ce que je lui reproche : d'avoir insisté par endroits lourdement sur un côté pathos, et un manichéisme appuyé, avec le nazi vraiment méchant et le gentil juif, bref on peut se dire qu'un réalisateur plus intériorisé aurait pu nuancer ces aspects qui parfois m'ont dérangé, mais bon, ça reste quand même un film important qui donne à réfléchir.