La Femme et le Pantin raconte les déboires sentimentaux d’un riche séducteur épris d’une danseuse de flamenco fière et indocile. Parmi les nombreuses adaptations du roman de Pierre Louÿs, c’est finalement cette première version muette signée Jacques de Baroncelli qui s’avère la plus fidèle au texte. Magnifiquement restauré, ce film fait l’objet d’une réédition en DVD/Blu Ray.
La belle de Cadix…
…a des yeux de velours ! Du moins font-ils fondre d’amour le pauvre Don Mateo Diaz. Le sémillant (et sévillan) séducteur a littéralement le coup de foudre pour Concha, une très jeune femme au tempérament de feu, à la démarche provocante et au regard aguicheur. Une fille « qui n’a peur de rien », que le très riche Mateo pense à tort pouvoir acheter. L’idée de génie de Baroncelli est d’avoir confié ce rôle féminin à Conchita Montenegro, une véritable danseuse qu’il découvrit par hasard à Paris dans un spectacle de flamenco. Elle apporte au personnage une vitalité bluffante et surtout une modernité qui manque à la plupart des actrices de l’époque. Totalement décomplexée, elle accepte même de danser intégralement nue dans une scène étonnante qui ne dépare pas avec l’univers érotique de Pierre Louÿs.
Ciao pantin
« Le désir s’accroît quand l’effet se recule » écrivait ce coquin de Corneille. On pourrait appliquer la formule à ce pauvre Don Mateo dont la désillusion va aller croissant, au fur et à mesure que la belle s’évertuera à repousser ses avances. Comme dans cette scène mémorable où, coincé derrière la grille d’un hôtel particulier, il assiste impuissant à une nouvelle esquive de sa bien-aimée. On sent Baroncelli particulièrement à l’aise avec cette histoire. L’Andalousie des palais et des estaminets, des jardins bourgeois et des ruelles populaires inspire le réalisateur. Mais c’est surtout à ses interprètes que le film doit sa réussite. D’abord Raymond Destac, pitoyable en pantin désarticulé à l’image du tableau de Goya qui ouvre le film. Mais surtout Conchita Montenegro dont la prestation incandescente dans la scène du cabaret préfigure les danseuses fatales du cinéma que seront Gloria Swanson, Brigitte Bardot ou Marlene Dietrich.
8/10
Critique parue le 06/06/2021 sur le MagduCiné