Nous sommes tellement habitué maintenant à ces comédies basées sur le duo improbable de deux personnalités opposées qu'on se sent gavé. Chaque fois qu'un nouveau film sort en se basant sur ce principe (et ça ne manque pas d'arriver chaque année), j'ai tendance à le fuir.
J'avais revu Les Fugitifs pendant les dernières vacances, et ce fut un régal. Du coup, La Chèvre s'imposait à mon esprit. Et le résultat est délicieux.
D'abord, ce sont deux acteurs, forcément. Pierre Richard est magnifique dans son rôle fétiche, celui de l'hurluberlu lunaire, du malchanceux atavique. Pire : non seulement il attire toute la poisse, mais en plus il ne s'en rend pas compte. Tout lui tombe sur la tête et il encaisse avec le sourire, convaincu de sa supériorité. Quand le plateau du petit déjeuner de l’hôtel mexicain se déverse sur lui, il se contente de prendre un peu du beurre étalé sur sa chemise pour en enduire sa tartine. Normal.
Et, ne doutant de rien, il va plus loin : il reste convaincu qu'il domine la situation, que le monde se plie à sa volonté. Son face-à-face à l'aéroport avec Michel Fortin, où Pierre Richard prétend maîtriser les arts martiaux et préférer rester calme, est un régal.
A ses côtés, c'est un véritable plaisir de retrouver un Depardieu qui était encore cet acteur génial capable de tout avec talent et charisme (il est encore capable de tout, de nos jours, mais dans un autre registre). Plus que des gags, c'est son regard, tour à tour blasé, amusé, désespéré ou énervé, qui m'a fait le plus rire. Loin de servir de faire-valoir au comique de service (ce qui est devenu trop souvent le cas par la suite dans ce genre de films : il y a le comique et l'autre, souvent un acteur à muscles, qui doit permettre au comique de paraître drôle), il est vraiment drôle lui-même et participe de l'humour du film.
L'autre force du film, ce sont ses dialogues. Car si les gags sont bien là, ils ne constituent pas forcément ce qu'il y a de plus drôle. Mais, en ayant fait ses armes au théâtre, Veber connaît l'importance d'une bonne réplique.
"Perrin, il n'y a pas de sables mouvants signalés dans cette région.
_ Eh bien, si vous voulez mon avis, il est temps de les signaler !"
"Il s'est cogné la tête à l'aéroport d'Orly, et il vient de se re-cogner la tête.
_ C'est pas son jour.
_ C'est jamais son jour."
Mais n'exagérons pas, La Chèvre n'est pas non plus un chef d’œuvre. La réalisation est plutôt plate et manque de rythme (mais il faut dire que ce n'est que le deuxième film de Veber, qui réglera ce problème de rythme par la suite). Mais ça ne fait rien, La Chèvre reste un petit régal, certes imparfait, mais si agréable.